C’est en novembre 2023 que s’est cristallisé le débat autour du pardon politique au Bénin. Face à la détention prolongée de personnalités incarcérées pour leurs opinions ou engagements politiques, l’ancien président Boni Yayi, lors d’une sortie publique remarquée, a solennellement demandé leur amnistie, se faisant l’écho de nombreux Béninois en quête d’apaisement national. La réponse du président Patrice Talon fut cinglante : selon lui, « le pardon peut être une faute », laissant entendre qu’aucune concession ne devait être faite au détriment de la rigueur ou de la justice, selon la vision du régime dit de la rupture.
Deux ans plus tard, à la stupéfaction générale, le même Talon emprunte le chemin inverse à l’occasion de son adresse à la Nation le 1er août 2025, jour du 65e anniversaire de l’indépendance. Il y sollicite l’indulgence du peuple béninois pour les insuffisances de son action à la tête du pays. Une volte-face inattendue, qui soulève des interrogations dans l’opinion publique : le chef de l’État découvre-t-il tardivement la puissance réconciliatrice du pardon ? Est-ce un aveu de limites ou une tentative de renverser le regard porté sur sa gouvernance à l’approche d’un nouveau cycle politique ?
Car depuis 2016, le vocable du régime en place a été bâti sur des fondements de rigueur, de discipline et parfois de fermeté inflexible, au point de marginaliser l’indulgence dans la gestion des affaires publiques. L’aveu du président sonne comme une dissonance dans une partition jusque-là intransigeante. Reste à savoir si cet appel au pardon est sincère et porteur d’un tournant dans la posture gouvernementale, ou s’il ne s’agit que d’un calcul stratégique, surfant sur l’émotion pour regagner une sympathie populaire érodée.