Au-delà d’un simple passage de témoin, l’élection de Sidi Ould Tah à la tête de la Banque africaine de développement (BAD) marque un tournant géopolitique majeur sur le continent. En choisissant ce technocrate mauritanien, ancien ministre de l’Économie et actuel président de la BADEA, les gouverneurs de la BAD ont envoyé un message clair : l’Afrique francophone, longtemps en retrait dans les grandes instances panafricaines, veut désormais jouer les premiers rôles. Ce choix est aussi l’illustration d’un consensus stratégique forgé patiemment entre pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique du Nord, dans un contexte de rivalités croissantes entre zones d’influence.
Ce scrutin n’était pas qu’une bataille de CV, mais un duel de réseaux, de diplomatie et de visions pour l’Afrique. Face au Zambien Samuel Maimbo, soutenu par une imposante machine de campagne et des relais anglo-saxons, Sidi Ould Tah a misé sur la sobriété et l’efficacité, avec l’appui décisif de la Côte d’Ivoire, hôte du siège de la BAD, et l’adhésion discrète mais déterminante de partenaires européens comme la France et l’Espagne. La percée du Mauritanien est aussi le fruit d’une campagne de proximité menée sur le continent, auprès des décideurs, parfois jusqu’à la dernière minute. Avec 72 % des voix africaines, c’est une victoire nette qui consacre une approche continentale unie, plus que des jeux d’alliances classiques.
En moins de deux minutes, Sidi Ould Tah a donné le ton : sobriété, responsabilité, et action. Son profil, à la fois politique et technocratique, pourrait redonner un nouveau souffle à l’institution, dans un contexte où les défis s’accumulent – dette, climat, jeunesse, industrialisation. S’il réussit à capitaliser sur le capital de confiance dont il bénéficie et à maintenir l’équilibre entre les différentes zones régionales, son mandat pourrait repositionner la BAD comme un levier décisif de transformation structurelle du continent.