Le 14 octobre 2024 marque neuf ans depuis le décès de l’ancien président du Bénin, le Général Mathieu Kérékou, surnommé “Le Caméléon” pour sa capacité à naviguer dans les eaux tumultueuses de la politique béninoise. Chef d’État charismatique, il a marqué l’histoire du Bénin à travers deux périodes distinctes de sa présidence : la première sous un régime militaire marxiste-léniniste et la seconde sous une démocratie apaisée. Neuf ans après sa disparition, il est légitime de s’interroger sur l’héritage qu’il a laissé au pays et la manière dont cet héritage est préservé aujourd’hui.
Une économie fragilisée et un patrimoine en déclin
Kérékou a laissé en héritage plusieurs entreprises publiques importantes, telles que la Sonacop, la société nationale de commercialisation des produits pétroliers. Pourtant, cette grande entreprise a progressivement décliné jusqu’à disparaître, privant le Bénin d’un acteur stratégique dans son secteur énergétique. Le sort de la Sonacop symbolise un problème plus large : l’affaiblissement de nombreuses entreprises publiques qui constituaient des piliers de l’économie béninoise.
De plus, la maison du président défunt à Cotonou, autrefois un lieu de recueillement pour ses partisans, a été rasée pour laisser place à un jardin public. Ce geste, bien que symbolique pour certains, illustre l’effacement progressif de la mémoire de Kérékou dans l’espace public. La disparition de ces éléments tangibles de son héritage pose des questions sur la volonté de sauvegarder l’histoire et les réalisations de ce chef d’État.
Un modèle démocratique érodé
L’un des legs les plus importants de Kérékou demeure la stabilité démocratique qu’il a instaurée à son retour au pouvoir en 1996, après avoir présidé la transition démocratique en 1990 à la suite de la Conférence nationale. Le Bénin, sous son règne, était un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest. Les élections étaient pacifiques, marquées par une pluralité des partis et des débats d’idées. Même l’opposition avait une voix forte à l’Assemblée nationale et jouissait d’une liberté d’expression réelle.
Aujourd’hui, cet héritage semble bien loin. Depuis l’arrivée de Patrice Talon au pouvoir, les élections sont souvent accompagnées de tensions. Le pays a même traversé une période où il a eu un parlement sans opposition, un scénario impensable sous Kérékou. Les contestations électorales, l’exil forcé de certains leaders politiques et les restrictions sur la liberté d’expression témoignent d’une démocratie en recul, bien différente du modèle apaisé que Kérékou avait contribué à forger.
Une société en quête de justice sociale
Sous Kérékou, bien que le pays n’ait pas échappé à des accusations de corruption et de népotisme, une grande partie de la population pouvait encore subvenir à ses besoins. La sécurité alimentaire, bien que précaire, permettait au plus grand nombre de “manger à sa faim”. Aujourd’hui, le Bénin est confronté à des inégalités sociales croissantes. La classe moyenne s’effrite, tandis que l’accessibilité aux services de base devient un véritable défi pour une frange importante de la population.
Quelle mémoire pour l’avenir ?
La question qui se pose aujourd’hui est celle de la mémoire collective : comment perpétuer l’héritage d’un homme qui a marqué profondément l’histoire du Bénin ? Alors que certains des symboles de son passage semblent effacés, la jeunesse béninoise se souvient-elle encore de ce que Kérékou a représenté pour le pays ? Neuf ans après son décès, l’héritage du “Caméléon” semble s’estomper dans l’ombre des mutations politiques, économiques et sociales que traverse le Bénin.
En fin de compte, l’héritage de Mathieu Kérékou ne se résume pas à des bâtiments ou des entreprises. Il réside surtout dans les valeurs qu’il a prônées, notamment la tolérance, le dialogue et l’unité nationale. Alors que le Bénin continue son chemin sous de nouvelles directions, il est essentiel de se rappeler ce que ce grand homme a accompli pour que la démocratie béninoise retrouve sa vigueur et que l’esprit de paix qu’il a cultivé ne soit pas perdu dans les méandres de l’histoire.