La cour constitutionnelle béninoise, depuis son double arrêt d’incompétence à trancher sur les recours contre le parrainage et la prorogation de 45 jours du mandat du Chef de l’État Patrice Talon, continue d’essuyer des critiques. Dans la kyrielle des réactions, la rarissime voix du professeur Théodore Holo, ancien président de la cour constitutionnelle béninoise et père fondateur de la constitution de 1990, a résonné. A travers une interview accordée à DW, le constitutionnaliste rompt le silence et dit sa surprise des décisions de la haute juridiction.
Intégralité de l’interview accordée à DW.
Journaliste : Bonjour M Théodore Holo. A partir de ce 12 janvier 2021, La Céna débute la distribution des formulaires de parrainage aux élus. Il faudrait en présenter 16 dans son dossier, pour espérer briguer la présidence de la République. Le seul problème, les 83 députés et 70 maires appartiennent aux deux partis politiques de la majorité présidentielle, n’est-ce pas dommage ?
Théodore Holo
Oui c’est dommage d’autant plus que le Bénin a l’habitude d’avoir des élections inclusives où l’opposition et la mouvance présidentielle s’opposent et c’est le peuple souverain qui, en dernier ressort, choisit ses gouvernants d’autant plus que notre Constitution prévoit que c’est le peuple qui est souverain et qu’il exerce cette souveraineté par ses représentants élus ou directement par le biais du référendum. Comme vous le savez, le Bénin a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme, de même que le Pacte international des droits civils et politiques qui précisent dans leurs dispositions respectives que tout citoyen a le droit de participer à la gestion des affaires publiques, soit directement, soit par ses représentants élus. Et par conséquent, pour éviter des tensions, le Bénin avait la tradition d’avoir des élections inclusives, d’autant plus qu’à l’époque la Céna étant constituée de deux représentants de la majorité présidentielle et deux représentants de l’opposition avec des membres de droit que sont le directeur de l’Insae et le directeur de l’état civil et de la même manière, avant les réformes de 2019, le parlement était représenté dans chaque bureau de vote par deux observateurs, l’un désigné par l’opposition, l’autre désigné par la majorité.
Ce qui fait que les élections au Bénin ne pouvaient donner lieu à des manifestations de violence, voire des contestations intempestives. C’est cette tradition qui est en train d’être rompue par l’instauration en réalité du parrainage dans ces conditions-là. Puisque d’autres pays font le parrainage, si vous prenez la France par exemple, il y a le parrainage qui est prévu. Mais les différentes forces politiques sont représentées au parlement. Au Sénégal, ce n’est pas les députés qui sont les parrains, mais c’est un pourcentage de la population dans un certain nombre de circonscriptions. Il en est de même de la Côte d’Ivoire. Or, le Bénin a la particularité non seulement d’avoir un parrainage fermé, mais d’abord encore un cautionnement de près de 50 millions FCFA pour être candidat. Ce qui fait qu’en réalité on peut se demander si c’est encore le peuple qui est encore souverain ou ce n’est pas les riches qui sont en réalité les gouvernants de notre pays. Donc ce problème de parrainage peut être source de tensions inutiles comme nous l’avons constaté lors des élections législatives de 2019 où l’opposition n’était pas représentée. Pour la première fois, les élections ont été suivies de violences avec des morts. Ce qui est regrettable pour la qualité de notre démocratie.
La semaine dernière, la Cour constitutionnelle du Bénin s’est déclarée incompétente suite au recours formulé par un citoyen béninois contre le parrainage. Quelle est votre réaction ?
Je suis un peu étonné par la décision de la Cour constitutionnelle mais ça peut se comprendre quand on ne connaît pas l’histoire de la Cour constitutionnelle. La Cour constitutionnelle a été instaurée comme organe régulateur du fonctionnement et de l’activité des pouvoirs publics parce que jusqu’en 1972, les conflits entre les organes politiques étaient tranchés par l’armée. De la même manière, il y avait depuis 19672 jusqu’à la Conférence nationale de 1990 des violations massives des droits humains. Voilà pourquoi dans la Constitution, à la conférence nationale, il est prévu une Cour constitutionnelle qui est un organe régulateur mais qui a eu la chance de 1993 à 2018 d’avoir en son sein, soit des constitutionnalistes, soit des membres qui ont assisté à la Conférence nationale qui ont participé à la rédaction de la Constitution et qui sont bien imprégnés de l’esprit de la Constitution. Aujourd’hui, il n’y a ni constitutionnaliste, ni ancien délégué à la Conférence nationale au sein de cette Cour constitutionnelle. Et la Cour, ayant donné son accord de conformité à la révision de la Constitution, aura du mal à revenir sur sa décision. Elle serait en contradiction avec elle-même. Est-ce que cette révision était conforme à la Constitution ? Je pense qu’on peut se poser la question. D’abord, il y a un vice de procédure dans la mesure où on ne peut pas procéder à la révision d’une Constitution par la procédure d’urgence qui n’est autorisée que pour les lois ordinaires même pas pour les lois organiques.
Or la Constitution est supérieure à la loi organique. De la même manière depuis 2007, après une révision intempestive de la Constitution pour proroger le mandat des députés, une jurisprudence de la Cour constitutionnelle a bien spécifié que, même si la Constitution a prévu les modalités de sa révision, il faut nécessairement le consensus, un principe à valeur constitutionnelle participant du bloc de constitutionnalité. Or, le parlement qui a révisé cette Constitution est un parlement monocolore. Si encore on était allé au référendum, on pourrait dire que c’est le peuple souverain lui-même, de façon solennelle, qui s’est directement prononcé. Dans ces conditions, le juge constitutionnel ne peut pas remettre en cause la décision prise par le peuple souverain. Mais lorsque cette décision est prise par les représentants du peuple, à savoir le pouvoir constituant dérivé, dans la tradition du Bénin, comme c’était le cas en 2007, on peut apprécier la qualité de cette décision d’autant plus que c’est le peuple souverain lui-même à travers la Constitution qui soumet ces textes à l’appréciation de la Cour constitutionnelle.
Ce qui amène à dire que la loi n’est l’expression de la volonté générale que pour autant, elle est déclarée conforme à la Constitution par le juge constitutionnel. Enfin, étant donné que la mise en œuvre à l’état actuel des choses, le parrainage entraîne des élections exclusives, ce qui est contraire à l’esprit de la Constitution qui prévoit une démocratie pluraliste et un état de droit, aurait amené la Cour à constater l’inapplicabilité à l’état actuel de cette exigence de parrainage et mettre ça de côté pour les élections de 2021 en attendant que les conditions ne soient réunies pour avoir des élections inclusives. Parce que le plus important, c’est la qualité de l’élection qui permet de garantir la stabilité des institutions de la République et la paix sociale.
La Cour constitutionnelle s’est également déclarée incompétente au reformulé par un autre citoyen contre la prorogation du mandat du président Patrice Talon. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je voudrais rappeler qu’il s’agit du constituant dérivé et non pas du constituant originaire. Je voudrais vous rappeler que lorsque les députés ont modifié la Constitution pour proroger leur mandat, porter le mandat de 4 ans à 5 ans, la Cour constitutionnelle en 2007 ne s’est pas déclarée incompétente pour apprécier et déclarer cette révision contraire à la Constitution. Ce qui veut dire qu’il y a déjà un précédent dans notre (…) jurisprudentiel en la capacité du juge constitutionnel béninois, même si ce n’est pas le cas au Sénégal, ni en France le juge constitutionnel béninois a apprécié toute révision opérée par la voie parlementaire. L’exception est admise pour la voie référendaire. Et par conséquent, le juge ne pouvait pas se déclarer incompétent. D’autant plus que le président a prêté en 2016 le serment de respecter la Constitution, de la défendre et cette Constitution prévoit que son mandat devait commencer en réalité le 1er avril. C’est écrit dans la Constitution. Et si le mandat commence désormais le 06 avril, c’est dû à des circonstances exceptionnelles.
En 1991, le président Soglo étant malade, il n’a pu prêter serment que le 04 avril. En 1996, le président Kérékou, paix à son âme, a prêté serment le 04 avril mais il a omis une formule : les mânes de nos ancêtres. La Cour saisie a annulé le serment qu’il a dû reprendre le 06 avril. Ce qui fait que désormais le mandat commence le 06 avril. Le président qui est élu sur la base de cette Constitution doit finir son mandat en principe le 05 avril à minuit. Maintenant, comme il y a une révision, même si elle est controversée, elle existe. Maintenant qu’il y a une révision en 2019, le président qui serait élu en 2021 va prêter serment sur cette Constitution révisée et lui maintenant, il pourra finir son mandat au mois de Mai. Mais de mon point de vue, en tant que juriste, cette disposition ne peut pas avoir un effet rétroactif par rapport au mandat du président en exercice d’autant plus qu’il n’a pas prêté serment sur une Constitution qui prévoit que son mandat allait au-delà du 06 avril.
Donc selon vous, cette décision de la Cour constitutionnelle est justifiée, c’est ça ?
La Cour constitutionnelle aurait dû rétablir la réalité des faits puisque c’est la Cour qui est garante du respect de la Constitution. Or la Constitution prévoit bel et bien que le chef de l’Etat doit respecter la Constitution, doit défendre la Constitution, et qu’en cas de parjure, qu’il subisse les rigueurs de la loi. C’est bien la formule de la Constitution. Et par conséquent, la Cour doit rappeler au respect de cette exigence. Puisque c’était une tradition dans notre pays que la Cour rappelle les autorités, les gouvernants au respect de la Constitution. C’est la mission que le peuple souverain a confié à la Cour constitutionnelle qui doit être une Cour de neutralité et d’impartialité allant jusqu’au devoir de l’ingratitude pout garantir la paix sociale, la légitimité des gouvernants et la stabilité des institutions. C’est sa mission.
La réforme du système partisan au Bénin divise la classe politique car pour les Opposants, elle vise à écarter des acteurs politiques notamment de l’Opposition qui gênent le Président Patrice Talon. Est-ce que vous partagez cette appréhension ?
Je voudrais rappeler qu’ayant été membre du présidium de la Conférence nationale, membre du Bureau du Haut conseil de la république qui était le parlement de la transition, au moment où nous élaborions les lois électorales et la Charte des partis politiques, notre souci était d’éviter que l’administration interfère dans la création et la disposition des partis politiques. Il faut que les partis politiques se créent librement quitte au juge judiciaire lorsqu’il y a des violations de la loi, de décider de la dissolution. Le code électoral, la nouvelle loi sur les partis politiques a été interprétée par Cour constitutionnelle qui exige avant qu’un parti ne soit reconnu, il faut la délivrance d’un récépissé administratif par le Ministère de l’intérieur. Ce qui remet le gouvernement dans le processus de création d’un parti politique à la différence de ce qui avait été rejeté au lendemain de la Conférence nationale. Le gouvernement peut donner ce récépissé au gré de ses intérêts, s’il n’y a pas un tel contrôle. La preuve, pour certains on estime que c’est des fautes mineures, pour d’autres on estime que c’est des délits majeurs. On refuse des récépissés parce qu’il y a une virgule mal placée quelque part. Je trouve que cela n’est pas sérieux. C’est le peuple qui doit décider de qui peut effectivement parler en son nom.
On dit généralement qu’il y a une multitude de partis politiques, sur le papier. Mais en réalité au parlement, il n’y a plus de dix partis effectivement représentés. Il y a des partis qui existent de nom, qui ont disparu, leurs noms existent toujours au niveau du Ministère de l’intérieur et qui ne sauraient participer à une élection. Une disposition qui prévoit par exemple que ‘’tout parti politique qui ne participe pas à deux ou trois élections disparait’’ est à mon avis plus utile que de dire qu’il faut nécessairement un récépissé qui se donne de façon parcellaire et selon les intérêts des gouvernants du moment. Ce qui ne permet plus de garantir l’égalité des citoyens devant la loi. Ça pose un problème de mon point de vue, ce Système partisan. Maintenant on dit que ce Système permet de n’avoir actuellement qu’une dizaine de partis politiques, alors que la vie politique réelle montre que ne fonctionnent ou n’existent réellement, n’animent réellement la vie politique, se réunissent régulièrement en congrès à peine une dizaine de partis politiques. Parce que pour être parti politique, il faut d’abord savoir quelles sont les conditions de regroupement d’hommes et de femmes ayant en commun un projet, la conquête, l’exercice ou l’influence du pouvoir. Mais ce parti doit animer la vie politique. Ce parti doit nécessairement avoir des élus. Ce parti doit être représenté sur le territoire national. Ce parti doit tenir régulièrement ses congrès.
Combien de partis respectent cette exigence ? On regarde cette disposition qu’on peut déjà constater que la vie politique n’est contrôlée ou n’est animée par quelques partis et non par les deux cent qu’on nous sort très souvent alors que ces partis n’ont plus d’existence légale depuis des années. Je pense que là également il y a un problème. D’autant plus que c’est le Ministère de l’intérieur qui devient le maitre du jeu. Alors que dans un Etat de droit, c’est le juge qui devrait être le censeur de ces différentes dérives.
Beaucoup d’Opposants béninois sont en exil. On pense notamment à l’homme d’affaires Sébastien Ajavon qui vit en exil en France. Est-ce que le Bénin est devenu un Etat autoritaire comme le déplorent certains acteurs de la Société civile et de l’Opposition ?
Je crois que tout un chacun peut observer la situation. Je voudrais rappeler, en ce qui me concerne, que quand le Président Talon s’était réfugié en France, il lui aurait été refusé son passeport. Un recours a été introduit au niveau de la Cour constitutionnelle que je présidais. Nous avons pris notre décision en rappelant qu’il doit bénéficier de son passeport. Dans le cadre des mesures d’instruction, le Directeur de l’immigration nous a répondus que non, son passeport est disponible et que c’est à l’intéressé de venir le chercher. Et à l’époque, son avocat est Maitre Séverin Quenum, son actuel garde des sceaux. Nous avons notifié cette décision à l’intéressé qui a fait retirer son passeport pour montrer que la Cour constitutionnelle doit veiller au respect des libertés publiques et des droits fondamentaux. Or, avoir un passeport est un droit fondamental pour un citoyen qui doit pouvoir aller et revenir. Sans passeport, il ne peut pas sortir du territoire, il ne peut pas jouir de sa liberté d’aller et de venir. Aujourd’hui, les gens sont contraints non seulement à aller en exil pour des raisons que je ne voudrais pas citer mais il est même interdit de leur délivrer des actes administratifs. Ce qui quand-même pose problème dans un Etat de droit.
La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples a pris récemment plusieurs arrêts contre le Bénin critiquant certaines dérives du pouvoir Talon. Ces dérives sont jusque-là lettre morte. Quelle est votre appréciation ?
Je n’ai pas d’autres appréciations que celle que le candidat Talon a eu à faire. Je crois en mars 2016, dans son débat du second tour entre lui et son challenger Lionel Zinsou lorsqu’il rappelait qu’un Etat qui ne respecte pas les décisions de justice est un Etat voyou. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le candidat qui l’a dit. C’est le seul commentaire que je voudrais faire.
C’est dommage non Professeur Théodore Holo quand on sait que le Bénin était un pays cité jusqu’à récemment dans la vitalité de sa démocratie ?
C’est dommage, mais il ne faut jamais désespérer. La démocratie n’est pas irréversible, n’est pas un long fleuve tranquille. Vous avez pu observer que bien qu’ayant noué avec la démocratie depuis 1607, les Etats-Unis vivent aujourd’hui que situation qui fait trembler sa démocratie. Mais les institutions fortes de ce pays permettent de rétablir, de remettre la démocratie sur les rails. Espérons que nous ayons des institutions fortes aussi qui arrivent à obliger les gouvernants à remettre la démocratie sur les rails parce que le développement ne se conçoit pas sans la prise en compte de la dignité humaine et seule la démocratie permet de garantir cette dignité, à travers sa liberté, à travers la justice, à travers la prospérité collective.
Beaucoup de dirigeants africains ont fait modifier ces derniers temps la Constitution de leurs pays pour s’offrir un troisième mandat pour les uns ou une présidence à vie pour les autres. Un commentaire ?
Il ne faudrait pas généraliser. D’abord, seuls les pays francophones ont ce genre de situation. Quand vous prenez les pays anglophones à l’exception de l’Uganda et un peu du Zimbabwe mais c’est déjà réglé, de la Gambie du temps Yahya Jammeh, tous ces pays non seulement ont prévu la limitation des mandats mais respectent la limitation des mandats. Que ce soit au Kenya, au Malawi et même en Afrique du Sud qui n’a pas prévu dans sa Constitution la limitation des mandats. Mais lorsque Mandela a fait un seul mandat, il est parti. Thabo Mbeki qui est venu, n’a pas fait plus de deux mandats même si c’est Jacob Zuma devenu Président de l’Anc qui l’a poussé à la porte de sortie. Jacob Zuma en a fait également deux et il est parti. Je voudrais rappeler qu’il s’agit d’abord d’une question de volonté politique, le respect de la limitation des mandats ou le refus d’en faire un mandat de trop. Puisque notre Constitution prévoit qu’il faut éviter la confiscation du pouvoir ou le pouvoir personnel. Quand vous prenez le cas des Etats-Unis. Leur Constitution de 1787 ne prévoyait pas la limitation des mandats. Le premier Président George Washington a fait deux mandats il est parti et cela a été suivi par tous ses successeurs sauf Roosevelt qui a eu un mandat je crois en 1932, 1936, 1940, 1944 parce qu’on ne change pas un capitaine en pleine tempête car il y avait la deuxième guerre mondiale. Il n’a pas fini son quatrième mandat. Mais immédiatement, en 1947, il y a eu le 22ème amendement qui inscrit désormais dans la Constitution, la limitation du nombre de mandats. Quand vous prenez les pays de la Cedeao, ils sont anglophones et francophones. Mais il était prévu un protocole, pour garantir la limitation des mandats. Seuls deux pays qui s’étaient opposés : le Togo et la Gambie. Le Togo sous la pression populaire a fini par reculer en rétablissant la limitation des mandats telle que ça avait été le cas au lendemain de leur conférence nationale.
La Gambie avec le départ de Yahya Jammeh on avait pensé qu’ils iraient dans ce sens comme la promesse qui a été faite. Malheureusement, le parlement a rejeté pour le moment la proposition de limitation des mandats. Ce qui fait c’est les pays de l’Afrique centrale qui donnent l’exemple du non-respect de la limitation des mandats, d’inexistence de limitation des mandats. Vous prenez le Cameroun, le Gabon, le Congo, le Tchad ; ils sont des modèles du non-respect de la limitation des mandats. Et je suis étonné qu’on dise parce que la Constitution est révisée, on a une nouvelle Constitution qu’on remet les compteurs à zéro. D’abord, on a une nouvelle Constitution, que dans des situations particulières. Soit parce qu’il a rupture de la légitimité qui crée une nouvelle idée de droit à travers une révolution, à travers un coup d’Etat, à travers une conférence nationale soit à la naissance d’un nouvel Etat. Un nouvel Etat né d’une sécession ou d’une décolonisation induisant une nouvelle Constitution. Le reste, c’est une révision de la Constitution. Et la révision ne peut pas remettre en cause la limitation d’un mandat. Beaucoup de Constitutions le prévoient. Le Niger en a donné un exemple au temps de Tandja où la Cour s’est opposée à cette révision opportuniste de la Constitution par Tandja pour proroger son mandat.
Ce qu’on oublie souvent de dire, le mandat n’est pas lié au nombre de Constitutions mais le mandat est lié à la personne qui exerce le mandat. Et, cette personne ne change pas avec la Constitution étant donné qu’il a fait déjà un mandat. Même s’il change de Constitution, sa personne n’ayant pas changé, son deuxième mandat est la fin de sa limitation. Parce que lorsque les citoyens n’ont pas la possibilité d’avoir l’alternance par les urnes, ils recourent à la violence mettant en œuvre la formule de Mao Zedong ‘’Le pouvoir est au bout du fusil’’. Or, c’est pour éviter cette violence, c’est pour éviter cette conquête illégale du pouvoir que dans la plupart de nos pays, il est prévue la limitation des mandats parce qu’il est rare en Afrique à moins d’être le Bénin du temps de Kérékou et de Soglo, à moins d’être ces deux-là, il est rare qu’en Afrique, un Président candidat à sa propre succession perde les élections. Ils s’arrangent toujours pour les gagner. Voilà pourquoi pour la préservation de la paix, il faut que la limitation soit respectée. Vous voyez la situation qui prévaut actuellement en Guinée et en Côte-d’Ivoire parce qu’on n’a pas respecté la limitation des mandats. Ils sont obligés aujourd’hui en Côte-d’Ivoire de rechercher les mécanismes de réconciliation nationale. Vous avez vu également que le Président Blaise Compaoré n’a pas voulu respecter la limitation des mandats et c’est par la force qu’il a été éjecté du pouvoir. C’est des situations qui n’honorent pas notre démocratie.
Professeur Théodore Holo, Merci !
Propos transcrits par B.H et J.G