Au lendemain de la décision historique du gouvernement béninois d’ériger les Monts Kouffè et Wari Maro en Parc national, le Directeur général du CENAGREF, le colonel Abdel Aziz Baba Moussa, salue une avancée majeure pour la conservation de la biodiversité et le développement de l’écotourisme au Bénin. Dans cet entretien exclusif avec LeParakois, il revient sur la portée écologique, les défis de gestion et les perspectives de partenariat qu’ouvre cette reclassification tant attendue.
. DG CENAGREF Colonel Abdel Aziz Baba Moussa bonjour
. Bonjour LeParakois
- LeParakois :Monsieur le Directeur général, quelle est votre première appréciation sur la décision du gouvernement d’ériger les Monts Kouffè et Wari Maro en Parc national ?
DG CENAGREF : La décision du Gouvernement d’ériger le complexe forestier des Monts Kouffè et de Wari Maro en Parc national est un acte majeur et historique pour notre pays. Elle traduit la vision du Président de la République et de son Gouvernement, qui ont fait de la protection et de la valorisation du capital naturel l’un des piliers importants du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG 2021 – 2026). Cette mesure vient confirmer la dynamique engagée depuis plusieurs années pour moderniser et professionnaliser la conservation et la valorisation de la biodiversité dans notre pays. C’est aussi une reconnaissance de la valeur écologique exceptionnelle de ce massif forestier, le dernier grand bloc boisé continu du centre du Bénin, situé à la jonction écologique entre les savanes soudaniennes du nord et les formations forestières du sud.
Dans le contexte actuel de suspension du tourisme dans le les parcs de la Pendjari et du W pour des raisons sécuritaires, le Parc national des Monts Kouffè et Wari Maro –s’impose comme l’alternative la plus crédible pour maintenir une offre écotouristique nationale, en devenant un troisième pôle de conservation complémentaire aux Parcs nationaux de la Pendjari et du W et un nouveau centre de rayonnement pour la conservation, la recherche scientifique et l’éducation environnementale et culturelle.
Cette décision que nous attendions depuis que l’étude de faisabilité a confirmé la pertinence de cette reclassification, constitue pour le CENAGREF une immense source de fierté, de motivation et de responsabilité. Et je tiens à remercier la Direction générale de Eaux , Forêts et Chasse , le Conseil d’Administration du CENAGREF ainsi que le Ministre du Cadre de Vie et des Transports, chargé du Développement Durable pour leur confiance et leur soutien constant.
- LeParakois : En quoi ce nouveau statut de Parc national va-t-il renforcer concrètement les actions de conservation déjà menées par le CENAGREF dans cette zone ?
DG CENAGREF : Le statut de Parc national confère au complexe forestier des Monts Kouffè et Wari Maro un cadre juridique renforcé. Nous quittons une catégorie d’Aire protégées vers une autre avec une gouvernance modernisée et des moyens d’action plus ambitieux.
Concrètement, cela permettra :
la mise en place d’un modèle de gestion conforme aux standards internationaux ;
le déploiement d’un système de surveillance robuste et professionnel ;
la mobilisation accrue de ressources financières, humaines et techniques ;
la mise en œuvre du Plan d’Aménagement et de Gestion déjà élaboré et en attente de validation ;
l’installation progressive d’infrastructures modernes pour la gestion, le suivi écologique, la circulation et la logistique de terrain ;
la mise en valeur eco touristique du complexe.
En résumé, ce statut offre au CENAGREF plus d’outils nécessaires pour assurer une protection et une gestion efficaces de cet écosystème unique.
- LeParakois : Quels seront les principaux défis à relever pour assurer la protection effective du nouveau Parc national face à la pression humaine et aux activités illégales ?
DG CENAGREF : Le premier défi reste la pression anthropique : agriculture extensive, le pâturage incontrôlé, les feux de brousse et exploitation illégale des ressources forestières. Il faudra également renforcer la surveillance et l’application de la loi, recruter, former et équiper les écogardes, et assurer une présence permanente sur le terrain afin de garantir la quiétude nécessaire à la faune. Un autre défi majeur sera la mise en place des infrastructures opérationnelles pour l’Unité de gestion : la base opérationnelle, les postes de surveillance, pistes, moyens de communication, la salle OPS, appui aérien pour les survols de contrôle, etc.
La sensibilisation et l’adhésion des communautés riveraines constituent également un défi central et continuel, car aucune aire protégée ne peut prospérer sans l’appropriation locale. Compte tenu du contexte de dégradation de la faune, il sera aussi crucial de procéder à des opérations de repeuplement via des translocations ciblées et enfin, nous devons renforcer les actions de résilience écologique, hydrologique et paysagère pour faire face à la vulnérabilité des écosystèmes induits par les changements climatiques.
- LeParakois : Cette transformation ouvre-t-elle la voie à de nouveaux partenariats ou financements, notamment avec les acteurs de la coopération internationale ou les ONG environnementales ?
DG CENAGREF : Absolument. Le classement en Parc national crée un cadre beaucoup plus attractif pour les partenaires techniques et financiers. De nombreuses institutions internationales (bilatérales, multilatérales, fondations, ONG nationales et internationales) concentrent leurs investissements sur les Parcs nationaux. Cette décision ouvre donc la voie à la possibilité :
de conventions de financements avec les partenaires traditionnels (AFD, Banque mondiale, BAD, Coopération allemande, Union européenne, GEF, UNESCO, etc.) et des fondations telles que la FSOA, la Rob Walton Foundation (RWF), l’Africa Wildlife Foundation (AWF) et bien d’autres ;
de partenariats techniques renforcés avec des ONG locales et internationales, les universités, les centres de recherche et le secteur privé.
sans oublier la contribution de l’Etat à travers la vision de son Excellence le Président de la République pour le développement des Aires Protégées.
C’est une opportunité majeure pour accélérer la structuration, la mise en valeur écologique et le développement économique du futur Parc national.
- LeParakois : Enfin, comment le CENAGREF compte-t-il impliquer les communautés riveraines dans la gestion durable du Parc, afin d’allier protection de la biodiversité et développement local ?
DG CENAGREF : Comme l’a indiqué le communiqué du Conseil des Ministres du 12 novembre 2025 et, conformément à la politique forestière du Benin, les populations, les dignitaires et les autorités locales adhèrent pleinement au projet dans ce que nous appelons l’approche participative. Cette adhésion est essentielle et montre que l’implication des communautés est au cœur de notre approche. Le CENAGREF poursuivra cette démarche en mettant en place des mécanismes participatifs fondés sur
une concertation permanente avec les autorités locales, les mairies et les villages riverains ;
la promotion d’activités génératrices de revenus durables (apiculture, transformation de PFNL, agroforesterie, écotourisme) ;
le développement d’actions sociales dans les zones périphériques ;
la sensibilisation et l’éducation environnementale ;
l’intégration progressive des communautés dans certaines activités de gestion, à travers la structuration des comités villageois de cogestion.
Notre ambition est que ce Parc national soit non seulement un outil efficace de protection de la biodiversité, mais aussi un vecteur de prospérité et d’opportunités pour les populations qui vivent autour. Le futur Parc national des Monts Kouffè et Wari Maro –constitue un véritable levier de développement local qui va générer des emplois durables grâce à l’écotourisme, aux services écosystémiques et à la valorisation du patrimoine naturel.















