L’ancien président nigérian Muhammadu Buhari s’est éteint ce dimanche 13 juillet 2025 à l’âge de 82 ans. Militaire de formation, homme austère et controversé, Buhari aura traversé les décennies comme un témoin et acteur clé de l’histoire politique du Nigeria. D’abord arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1983, avant d’être renversé deux ans plus tard, il reviendra aux commandes en 2015 en tant que président élu, devenant ainsi le seul dirigeant de l’histoire du pays à avoir connu à la fois les habits de putschiste et ceux d’un chef d’État civil. Cette trajectoire unique, dans un Nigeria aux équilibres fragiles entre Nord musulman et Sud chrétien, a cristallisé de nombreuses tensions mais aussi nourri de grandes espérances, notamment dans la lutte contre la corruption et l’insécurité.
Le bilan de ses deux mandats civils (2015-2023) reste contrasté. S’il est salué pour avoir affaibli considérablement Boko Haram et évité l’instauration d’un califat islamiste dans le Nord-Est, son gouvernement est aussi accusé d’avoir peiné à stabiliser l’économie nationale, en proie à la chute du naira et à une inflation galopante. Des épisodes comme le scandale du « Daura Dollar » ou ses sorties polémiques, notamment celle reléguant publiquement son épouse à « la cuisine et au salon », ont terni son image de président réformateur. Plusieurs figures de son propre parti, l’APC, ont même quitté ses rangs, dénonçant l’emprise d’un cercle restreint sur les décisions du pays. Pourtant, dans un Nigeria marqué par les logiques clientélistes et les rivalités ethno-régionales, Buhari symbolisait pour beaucoup la continuité d’un pouvoir nordiste aux racines militaires, austère mais discipliné.
Avec sa disparition, le Nigeria perd une figure historique, issue de la vieille garde militaire, mais dont l’empreinte a marqué la transition démocratique du pays. Muhammadu Buhari a tenté de conjuguer rigueur militaire, gouvernance civile et héritage islamo-haoussa, dans un pays complexe aux identités multiples. S’il laisse derrière lui des débats encore ouverts sur sa méthode et son impact, il demeure une figure incontournable de la politique nigériane postcoloniale. Son décès ravive le souvenir d’une époque où le pouvoir était moins affaire de consensus que d’autorité, de discipline, et de choix tranchés – parfois au détriment des libertés, souvent au nom de l’ordre.