A l’occasion des 10 ans de la Journée africaine de l’alimentation scolaire, Ali Ouattara, Représentant résident du Programme alimentaire mondial (PAM) au Bénin, revient sur les avancées majeures du Programme national d’alimentation scolaire intégré (PNASI). Dans cet entretien, il met en lumière l’impact de cette initiative sur la scolarisation, l’économie locale et l’autonomisation des communautés, tout en partageant les innovations en cours pour renforcer la durabilité du programme.
La Journée africaine de l’alimentation scolaire fête ses 10 ans. Selon vous, cette initiative a-t-elle joué un rôle déterminant dans l’engagement des gouvernements à investir dans des programmes d’alimentation scolaire ?
Lorsqu’on observe l’évolution des programmes d’alimentation scolaire en Afrique au cours des dix dernières années, il y a de quoi se réjouir. Cette journée constitue une plateforme essentielle de rencontre entre les acteurs impliqués : ministres de l’éducation, organismes nationaux, secteur privé et autres parties prenantes. Ces échanges permettent un partage d’expériences enrichissant et favorisent l’amélioration des initiatives mises en place à travers les différents pays. En facilitant ces interactions, cette journée contribue à rendre les programmes plus efficaces et performants. Il s’agit indéniablement d’une excellente initiative de l’Union Africaine.
Le PAM a accompagné le Bénin dans la mise en œuvre d’un vaste programme d’alimentation scolaire reconnu parmi les plus inspirants en Afrique. Quels ont été les principaux progrès réalisés grâce à ce partenariat ?
Depuis 2017, le gouvernement béninois a confié au PAM la mise en œuvre du Programme national d’alimentation scolaire intégré, capitalisant sur son expertise pour stabiliser et améliorer l’initiative tout en renforçant les compétences des acteurs nationaux en vue de son transfert. À cette époque, le taux de couverture était de 31 %, avec environ 425 000 élèves bénéficiaires. Dès l’année suivante, ce chiffre est passé à 51 %, touchant plus de 660 000 élèves. En 2024, lors du transfert du programme au gouvernement, la couverture dépassait 75 %, bénéficiant ainsi à 1,4 million d’enfants.
Le programme repose sur l’utilisation de produits locaux, une avancée majeure répondant aux attentes gouvernementales. Ainsi, la part des vivres locaux dans les cantines scolaires a progressé de 24 % en 2021 à 34 % en 2022, puis à plus de 53 % en 2023, atteignant en 2024 entre 80 % et 85 %. Cette orientation a généré un impact économique significatif : en 2023, l’achat de denrées locales a permis d’injecter plus de 6 milliards de francs CFA dans l’économie des petits producteurs. Entre 2021 et 2024, les achats directs ont connu une croissance spectaculaire, passant de 300 tonnes en 2021 à environ 14 000 tonnes en 2024.Il y a eu une hausse de plus de 836 % entre 2023 et 2024.
L’inclusion financière des femmes est également un volet important du programme. Près de 200 millions de francs CFA ont été versés aux coopératives féminines fournissant les cantines scolaires. Par ailleurs, le PAM a renforcé les capacités de la partie nationale à travers l’Agence nationale de l’alimentation et de la nutrition (ANAN), permettant à cette dernière de prendre en charge directement la mise en œuvre du programme dès l’année scolaire 2024-2025.
Enfin, le soutien apporté à la Société des huileries du Bénin (SHB) a permis d’améliorer ses standards techniques afin de répondre aux exigences du PAM. À ce jour, 2 800 tonnes d’huile ont été achetées, représentant un investissement de plus de 1,8 milliard de francs CFA. Ce programme intégré contribue ainsi à créer une économie circulaire, où les budgets gouvernementaux soutiennent directement les acteurs locaux.
Le PAM continue d’innover pour optimiser l’alimentation scolaire. Quelles sont les avancées en cours ?
Nous remercions nos partenaires financiers, qui accompagnent le gouvernement dans la mise en œuvre d’initiatives novatrices. Certaines écoles bénéficient de projets pilotes avant leur extension à l’échelle nationale. Parmi ces innovations, l’accent est mis sur la nutrition, avec un volet communautaire et des transferts monétaires destinés à faciliter l’achat de vivres localement, réduisant ainsi les contraintes logistiques.
Un projet pilote de transfert d’argent par mobile money est actuellement testé dans 80 écoles, permettant aux établissements ou aux comités de gestion d’acheter directement des denrées. Des études ont démontré que cette approche est plus efficiente que la distribution de vivres en nature. Par ailleurs, nous explorons l’intégration de produits à forte valeur nutritive, comme le riz étuvé et les œufs, en veillant à leur acceptabilité par les élèves. Toutes ces initiatives visent à renforcer durablement les capacités du gouvernement en matière d’alimentation scolaire.
Quels conseils donneriez-vous aux gouvernements africains pour garantir la pérennité des programmes d’alimentation scolaire ?
L’expérience du PAM à travers le monde montre qu’un programme d’alimentation scolaire ne peut être durable que s’il est pleinement pris en charge par les communautés et les gouvernements. Un engagement politique et financier fort est essentiel. Investir dans l’alimentation scolaire, c’est investir dans l’avenir et le capital humain.
Au Bénin, par exemple, chaque dollar investi rapporte 5,2 dollars en bénéfices socio-économiques. Dans d’autres pays, ce retour sur investissement est encore plus élevé dans d’autres, c’est moins. Il est donc crucial que les gouvernements allouent des financements adéquats, impliquent tous les secteurs concernés et mobilisent les autorités locales et les communautés pour assurer la réussite et la pérennité de ces initiatives.
Réalisé par Flore Nobime