La récente annonce du financement de l’audit du fichier électoral par le gouvernement béninois, en faveur de l’opposition, suscite interrogations et scepticisme. En effet, alors que la mouvance présidentielle n’a eu de cesse de montrer son aversion à l’idée d’un tel audit, la promesse d’un soutien financier sonne comme une contradiction frappante. Beau pour être vrai, cet engagement ressemble à une offrande inattendue, un acte politique qui défie la logique des rapports de force habituels entre pouvoir et opposition.
Une opposition longtemps confrontée au refus de la mouvance
Depuis plusieurs mois, l’opposition béninoise réclame un audit indépendant du fichier électoral, arguant d’un nécessaire rétablissement de la confiance dans le processus électoral. Face à cette revendication, la mouvance présidentielle, par la voix de plusieurs de ses figures, a exprimé son rejet catégorique, estimant que la crédibilité du fichier ne saurait être remise en cause.
Le refus systématique d’ouvrir cette brèche dans l’architecture électorale nationale a conforté l’opposition dans son sentiment d’être écartée d’un jeu politique verrouillé par le pouvoir. Dès lors, le changement soudain de posture, avec l’annonce du Chef de l’État de financer cet audit, interpelle.
Une concession stratégique ou un piège politique ?
Si d’aucuns y voient un signe d’ouverture du régime, d’autres y perçoivent un coup tactique aux visées moins altruistes. Pourquoi une mouvance si réfractaire à l’audit accorderait-elle un financement à l’opposition pour sa réalisation ? S’agit-il d’une volonté sincère d’apaiser le climat politique ou d’une manœuvre visant à légitimer le fichier électoral en donnant l’impression d’un processus transparent, tout en gardant le contrôle sur les modalités de l’audit ?
L’image est forte : l’opposition, dans sa position de rivale du régime Talon, reçoit un appui qu’elle n’espérait pas du pouvoir lui-même. Une tête de lion servie sur un plateau d’or. Mais jusqu’où ira cette bonne volonté affichée par le gouvernement ? L’opposition pourra-t-elle réellement mener un audit dans les conditions qu’elle souhaite, avec des experts indépendants et sans interférences ?
Un test de crédibilité pour le régime Talon
Le gouvernement béninois joue ici une partie délicate. En s’engageant financièrement, il se place sous le regard critique de l’opinion publique et des partenaires internationaux. Tout faux pas ou tentative de manipulation serait immédiatement dénoncé et viendrait raviver les doutes sur l’organisation des prochaines échéances électorales.
En face, l’opposition doit faire preuve de vigilance. Accepter ce financement, c’est prendre le risque d’être instrumentalisée si les résultats de l’audit s’alignent sur la position du pouvoir. Rejeter cette opportunité pourrait, au contraire, être perçu comme un refus d’une avancée pourtant longtemps réclamée.
Quoi qu’il en soit, cette situation inédite révèle les paradoxes et tensions qui traversent la scène politique béninoise. La générosité soudaine du régime Talon ne dissipe pas les soupçons, et l’opposition, bien qu’ayant obtenu gain de cause, sait qu’elle avance sur un terrain miné. L’avenir dira si cette tête de lion offerte sur un plateau d’or est un présent sincère ou un piège habilement dissimulé.