Dakar, 2 février 2025 – Dans un contexte marqué par des tensions récurrentes entre forces de l’ordre et professionnels des médias, une rencontre inédite s’est tenue à Dakar. À l’initiative de la police nationale sénégalaise, journalistes et agents des forces de sécurité ont échangé autour du thème « Droit à l’information et maintien de l’ordre », une tentative de renouer le dialogue après des années de crispation.
Des tensions héritées des crises politiques récentes
Entre 2021 et 2024, le Sénégal a connu plusieurs vagues de contestation, souvent marquées par une répression policière sévère. Journalistes arrêtés, matériels confisqués, agressions physiques : les violences ont laissé des séquelles profondes dans les relations entre la presse et les forces de l’ordre. En février 2024, Absa Hann, une journaliste, avait été frappée par un policier alors qu’elle couvrait une manifestation contre le report de l’élection présidentielle. Sa présence à la tribune lors de cette rencontre symbolise la nécessité d’un dialogue pour panser les blessures.
Un besoin urgent de restaurer la confiance
« Il faut que nous nous parlions », a insisté le commissaire Ndiaga Diop, qui représentait la police nationale. « Nous devons trouver un terrain d’entente pour que la presse puisse exercer librement son travail sans que nos missions de maintien de l’ordre soient entravées. »
Cependant, pour les représentants des médias, les paroles doivent se traduire en actes. Ibrahima Lissa Faye, président de la Coordination nationale des associations de presse, rappelle que plus de 60 journalistes ont été agressés ces dernières années, sans que les plaintes aboutissent. « Nous ne pouvons pas avancer sans justice. Il faut des sanctions claires contre les auteurs de ces violences. »
Des pistes concrètes pour l’avenir
Au-delà des constats, plusieurs solutions ont émergé lors des discussions :
Mise en place d’une accréditation officielle pour les journalistes couvrant les manifestations.
Création de zones sécurisées où les reporters pourraient travailler sans risquer d’être pris pour cible.
Formation croisée entre policiers et journalistes pour mieux comprendre les contraintes respectives de chaque métier.
Élaboration d’un guide de bonne conduite à destination des forces de l’ordre et des médias.
Mateew Mbaye, responsable des questions de protection pour l’ONG Article 19, estime que la clé de la solution réside dans une meilleure communication entre les deux camps. « Il faut des canaux officiels de dialogue pour éviter les incompréhensions sur le terrain. »
Un premier pas, mais des attentes fortes
Si cette rencontre constitue une avancée notable, elle ne suffira pas à dissiper la méfiance accumulée ces dernières années. Pour les journalistes, la priorité reste l’aboutissement des plaintes déposées contre les violences policières. Du côté des autorités, la volonté affichée de réforme devra se traduire par des actes concrets.
La question est désormais de savoir si ce dialogue marquera un tournant réel ou s’il restera un simple exercice de communication.
Source : RFI