Quand Komi Koutché, ancien ministre des Finances sous Boni Yayi, lançait en pleine crise politique que “la dictature est comme le système de freinage. Quand ça finit de bouffer le patin, ça attaque le disque”, beaucoup y voyaient une métaphore osée, voire une exagération. À l’époque, le pouvoir de Patrice Talon resserrait l’étau sur les opposants, multipliant les arrestations et poussant plusieurs figures politiques à l’exil. Mais l’ancien argentier du régime Yayi prévenait déjà ceux qui, par fidélité ou opportunisme, défendaient aveuglément cette machine répressive : nul n’était intouchable, et l’isolement du cercle du pouvoir ne durerait pas éternellement.
Aujourd’hui, l’histoire lui donne raison d’une manière aussi brutale qu’inattendue. Après une longue série d’opposants condamnés ou contraints à la clandestinité, la justice béninoise vient de frapper deux figures majeures du régime Talon : Olivier Boko et Oswald Homeky, respectivement proches alliés et ancien ministre des Sports, écopent de 20 ans de prison. L’impensable se réalise sous les yeux des Béninois : ceux qui, hier encore, incarnaient la toute-puissance du pouvoir, rongent désormais leur frein derrière les barreaux. Qui aurait cru qu’après les Joël Aïvo, Reckya Madougou et tant d’autres, ce serait au tour des piliers du régime d’être emportés par la vague judiciaire ?
Komi Koutché apparaît ainsi comme une sorte de prophète involontaire de la trajectoire implacable du régime Talon. Sa métaphore du freinage, autrefois perçue comme une simple critique politique, résonne aujourd’hui avec une troublante exactitude. Ce retournement spectaculaire des rôles, où les concepteurs du système répressif deviennent ses nouvelles victimes, illustre bien la précarité des alliances en politique. Si l’histoire récente du Bénin enseigne quelque chose, c’est que nul n’est à l’abri de la machine qu’il a contribué à bâtir.