Les députés béninois de la huitième législature n’auront pas finis d’essuyer des critiques acerbes contestant vertement leur légitimité. Les législatives boycottées par plus de 70 % des béninois en âge de voter, marquées par des violences meurtrières, ayant abouti à leur installation manu militari, ces députés peinent toujours à se faire accepter par leurs compatriotes.
Telle une pillule amère, l’Assemblée Nationale est rejetée par Joseph Tamegnon, un acteur politique béninois de l’opposition au régime du président Patrice Talon. Il n’a pas encore digéré les évènements qui ont caractérisé le scrutin législatif. Comme nombreux de béninois, l’homme refuse de reconnaître la légitimité de cette ”représentation nationale” issue des élections du 28 avril 2019. Il l’a fait savoir encore ce samedi 13 juin 2020 dans un entretien ”Parole aux experts du forum MédiaPart Privilège.
Pour lui, il n’est pas question de considérer ce parlement de 83 députés, tous des deux formations politiques pro-Talon. << Il nous faut gommer cette chose de notre histoire>>, martèle-t-il avec des arguments à l’appui.
<<Vous savez, s’explique-t-il, dans tous les systèmes démocratiques, qu’il s’agisse du régime présidentiel, semi-présidentiel, du régime parlementaire ou même d’une monarchie parlementaire, le parlement est l’institution principal et peut-être même l’unique institution de contre pouvoir. Et son rôle est essentiel; c’est en effet le parlement qui discute et qui vote les lois, dote l’exécutif de son budget dont il a le pouvoir d’en contrôler l’exécution ainsi que le contrôle de toute l’action gouvernementale>>.
L’opposant au régime Talon poursuit son argumentaire en faisant savoir que <<s’agissant de la discussion et du vote des lois que je crois être le plus important de son domaine de compétence, une fois que le parlement a discuté et voté les lois, dans certains pays ces lois sont soumises à nouveau à l’approbation du peuple et dans d’autres et c’est le cas le plus connu, à la signature du président de la République, c’est ce qu’on appelle la promulgation. Une fois que la lois est discutée, votée, promulguée et publiée, elle devient obligatoire pour toute la population résidente: c’est la vie de chaque citoyen de chacun de nous qui est donc concernée>>.
Partant de ces rôles de l’institution, Joseph Tamegnon refuse <<dès lors qu’un parlement ne peut et ne doit être installé avec ”ruse et rage”. La parodie d’élection organisée en avril 2019 ne peut en aucun cas aboutir à l’installation d’un parlement qui dans une démocratie, est l’Institution capitale de représentation du peuple. Rappelez-vous toutes les barrières législatives et administratives qui avaient été mises en place pour assurer efficacement l’exclusion de la plus grande partie de notre population: un code électoral taillé sur mesure pour ne garantir la participation au jeu électoral qu’à la frange la plus fortunée de notre peuple; des mesures administratives comme le quitus fiscal et le certificat de conformité pour améliorer le caractère sélectif et empêcher ceux qui malgré tout, réussiraient à mobiliser les ressources imposées par le code électoral crisogène. la conséquence a été le très faible taux de participation>>.
Pensez-vous qu’il soit souhaitable de confier les compétences dévolues à un parlement à une assemblée de gens choisis par une pareille parodie? S’interroge l’acteur politique avant de rappeler le contexte sans lequel s’est déroulé ces législatives.
<<Souvenez-vous, rappelle-t-il, des évènements des 1er et 2 mai 2019 qui sont les conséquences directes de cette parodie. Il n’y pas eu élection en avril 2019 et il ne saurait y avoir de Parlement. De l’histoire de la République du Dahomey à la République du Bénin en passant par la République Populaire du Bénin, nous n’avions jamais connu ça. Sous la République Populaire du Bénin nous avons eu une assemblée corporative à tous égards plus représentative que la connerie en cours en ce moment au palais des gouverneurs à Porto-Novo>>. Il signe et persiste <<nous avons l’obligation de gommer cette chose de notre histoire pour la dignité de notre peuple. C’est pourquoi on ne peut pas conjuguer cet évènement au passé>>.
Interrogé sur les moyens dont dispose l’opposition pour mener un tel combat de ”gommage de la huitième législature”, Joseph Tamegnon répond <<Regardez ce qui arrive en ce moment depuis la Bavure policière dans le Minnesota. Les monuments incarnant le triste commerce triangulaire sont détruits à Nantes, Bordeaux, Londres et partout dans le monde. Ainsi travaille la gomme de l’histoire de l’humanité. La vérité finit toujours par détruire les ténèbres du mensonge>>.
L. W. T.