C’est fait. Sakina, la jeune héroïne de Woria, a été reçue en audience par Patrice Talon mercredi 19 août 2020. Elle a même été élevée au grade de Chevalier de l’ordre national du Bénin, l’un des titres les plus honorifiques de notre pays. Et ce, pour sa bravoure. Cet acte de bravoure qui a consisté à sauver cinq personnes de la noyade le lundi 03 août dernier sur le fleuve Okpara.
Passé cette euphorie, il faut maintenant se poser les bonnes questions, identifier l’origine du mal et résoudre le problème une fois pour toute. À chaque saison pluvieuse ou période de crue traverser ce fleuve est un véritable parcours du combattant.
La traversée est, pour dire vrai, calamiteuse voire périlleuse. Le naufrage qui a donc révélé Sakina n’est que la partie visible de l’iceberg sinon les eaux de l’Okpara ont déjà emporté et englouti plusieurs compatriotes. Enfants, jeunes ou personnes âgées sont déjà disparu dans les profondeurs de ce fleuve long de 362 kilomètres. Des familles en détresse condamnées très souvent de faire leur deuil dans l’indifférence.
Des martyrs méconnus. Le phénomène perdure depuis des années sous les yeux des autorités gouvernementales et surtout grâce à leur silence coupable. Elles savent pourtant qu’elles sont les seules à être capables de mettre fin à ce calvaire.
Un pont sur l’Okpara
Depuis bientôt cinq ans, Patrice Talon n’a fait qu’une brève incursion dans le septentrion. Donc, on peut comprendre s’il dit comme son prédécesseur très souvent, qu’il n’est pas au courant des drames qui surviennent chaque année sur l’Okpara.
Mais depuis le drame du 03 août dernier, il le sait. Oui, non seulement il peut situer Woria sur la carte du Bénin. Mais alors, il sait que six Béninois ont péri dans ce naufrage et comme eux plusieurs autres avant. Patrice Talon sait aussi que le fleuve Okpara est un passage obligé pour ceux qui commercent avec le géant de l’Est, le Nigeria. Chaque jour, ce sont des centaines de personnes qui passent par Kika, Kaboua ou encore Woria pour aller acheter qui des vivres qui de l’essence de contrebande pour revendre à Parakou et environs.
Dans cette partie du pays, c’est ce commerce qui permet de tourner l’économie locale, de payer les impôts et subvenir aux besoins de la famille. C’est le même fleuve que les apprenants du Lycée agricole de Kika doivent traverser pour accéder au savoir ; à leur risque et péril.
Maintenant que Patrice Talon sait tout ça, la seule décision qui s’impose à lui et son gouvernement, c’est de lancer la construction de ponts sur l’Okpara pour faciliter sa traversée. Maintenant que Patrice Talon sait tout ça, l’Okpara ne doit plus continuer à être un mouroir pour ses compatriotes.
Une reconnaissance nationale à une héroïne est une bonne chose mais construire un ouvrage pour rendre aisé et sécurisé la circulation des personnes et des biens sera davantage salué par les Béninois. Ils ne demandent que ça, en plus. Pour le moment.
Chronique de Le Parakois du 19 août 2020 signée Faradj Ali Yarou