Les conflits entre agriculteurs et éleveurs deviennent, de plus en plus, préoccupants au Bénin. Un simple désaccord entre ces deux acteurs peut vite faire le lit à l’extrémisme violent.
Nazirou SIDI ALI & Fidelia BIAOU
« Un matin, j’arrive au champ et je trouve un troupeau qui broutait ma plantation de manioc. J’ai crié pour chasser les bœufs quand l’apprenti éleveur a sorti son coupe-coupe. Une altercation s’en est suivie. Je me suis retrouvé le bras charcuté. Voici comment je suis devenu manchot aujourd’hui.» Ce témoignage glaçant de Karimou, la quarantaine, cultivateur à Parakou relance l’éternelle question de regain de violences dans ce département.
Les malentendus surviennent assez vite entre les éleveurs et les agriculteurs. Les désaccords entre les deux parties sont de violentes oppositions de sentiments. Ils sont généralement causés par la destruction des champs de cultures de l’agriculteur par le troupeau. Selon les explications de l’éleveur Mohamed Ousmane, l’origine du conflit est, dans bien des cas, liée à la négligence des apprentis éleveurs. « Fréquemment, quand vous entendez qu’il y a conflit entre éleveurs et agriculteurs, c’est souvent un apprenti éleveur qui a fait preuve de négligence en ne canalisant pas son troupeau.» A cette cause, s’ajoute l’impatience des agriculteurs. « Lorsqu’il trouve son champ dévasté, l’agriculteur s’en prend généralement à l’éleveur. Il n’a pas la patience de chercher à connaître le véritable auteur. Et c’est la porte ouverte à des violences, qui, parfois, tournent au drame.», insiste-t-il.
Agriculteurs et éleveurs n’arrivent toujours pas à trouver un consensus lorsque surviennent des dégâts relatifs à la destruction des cultures. Ce défaut de consensus amplifie généralement la situation. Et même l’intervention d’une autorité locale pour les concilier ne suffit toujours pas pour apaiser l’agriculteur qui ne décolère pas. « Lorsque ces genres de situations surviennent, nous n’aimons pas aller chez le chef de village qui préfère privilégier un règlement à l’amiable. Ce qui ne nous arrange pas.», se défend Mouchoud Saka Kiré, agriculteur.
Pour Bouraïma Gnanli, coordonnateur de l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane au Bénin « quand un conflit aboutit à un massacre des animaux, à une attaque dans un camp peulh où on incendie tout, les victimes n’ont pas d’autres solutions que de prendre la voie de l’extrémisme violent.»
Pour éviter ces conflits entre agriculteurs et éleveurs, l’Etat béninois a mis en place le Projet de Sédentarisation des Troupeaux de Ruminants au Bénin (PROSER), à travers le programme de réalisation de forages pour la sédentarisation des bêtes.
Des voix s’élèvent dans le monde agricole pour sensibiliser sur la cohabitation pacifique supposée exister entre les deux groupes cibles. C’est le cas de Bouraïma Gnanli qui préconise « d’aller vers ces deux acteurs et leur demander de cultiver la tolérance. Il est aussi nécessaire de leur montrer qu’ensemble, ils contribuent au développement de notre pays.» Il sollicite, par ailleurs, l’implication des professionnels des médias pour une sensibilisation des groupes cibles dans l’intérêt de la cohésion sociale.
Article produit dans le cadre du projet SyMPa BD