La fête de Tabaski aura lieu ce mercredi 28 juin au Bénin. Mais, à 24h, certains fidèles musulmans peinent à se procurer un mouton pour sacrifier à la tradition. En cause, la hausse des prix de l’animal. La faible présence des vendeurs burkinabé pourrait justifier cette cherté des prix du mouton. Une situation qui serait due à la situation sécuritaire délétère dans le Nord du Bénin et au Burkina Faso qui font face au terrorisme.
« Moi, je ne peux pas, je rentre chez moi comme ça. », Cette phrase traduit la déception de Moumouni, un jeune parakois venu au marché de mouton d’Okédama dans le premier arrondissement de Parakou. Il a parcouru tout ce marché sans pouvoir s’acheter un mouton pour la Tabaski. Le marché de mouton de Okédama est situé à l’entrée sud de la troisième ville à statut particulier du Bénin. C’est un marché circonstanciel qui ne s’anime qu’à l’approche de chaque fête de Tabaski. Les habitants du quartier y affluent pour acheter leurs moutons.
Ce mardi 20 juin quand on a rencontré le jeune Moumouni, celui-ci n’a pas pu trouver une bête à la hauteur de son budget. Malgré la déception, il tente une dernière fois sa chance auprès d’Adamou, un vendeur nigérien. Adamou vient chaque année de son pays pour vendre ses moutons. « Mon ami, ceci coûte combien, demande Moumouni en Dendi (langue locale béninoise proche du Zerma) qui s’est trouvé devant les moutons au pelage blanc. « C’est 70 000 francs », répond le vendeur en Zerma. Pour encourager son client à acheter l’animal, il lui fait une réduction de 10 000 sur le prix initial. « Il faut donner 60 000 francs je vais te le laisser », poursuit Adamou. Malgré cette réduction, Moumou trouve le prix du mouton assez exorbitant. « Un ami a acheté un mouton pareil, il y a quelques jours dans un village à côté à 25 000 FCFA et aujourd’hui ils nous disent 60 000 FCFA », s’indigne le jeune acheteur en s’éloignant. Pour lui, il serait préférable d’aller dans un village à côté pour se procurer son mouton à moindre coût pour la Tabaski.
Debout devant un autre stand de moutons, Godfroy marchande le prix d’un mouton. Policier en service à Cotonou, il vient chaque année acheter des moutons pour lui et ses supérieurs. L’animal dont il demandait le prix était le onzième qu’il voulait acheter. Dix pour ses patrons et un pour lui-même. « Pour gagner un mouton de taille moyenne, conseille-t-il, faut garder 50 000 FCFA ». Contrairement à l’année dernière il constate lui aussi une hausse du prix du mouton. « Pour les plus grands, il faut prévoir 140.000 FCFA alors que l’année dernière, j’en ai pris autour de 80.000 FCFA ici », a-t-il confié.
Hausse du prix du mouton, conséquence des attaques terroristes ?
Selon nos informations, cette hausse du prix du mouton serait l’une des conséquences de l’insécurité qui règne dans le septentrion et au Burkina Faso, pays situé au nord-ouest du Bénin et également en proie au terrorisme. En effet, depuis quelques mois, le septentrion béninois surtout à la frontière avec le du Burkina Faso, est l’objet d’attaques terroristes. Le 1er mai dernier, vingt personnes ont été tuées dans des attaques par individus non identifiés à Kaobagou et Guimbagou. Ces deux localités sont à une vingtaine de kilomètres du Burkina dans la commune de Kèrou. C’est l’une des attaques les plus meurtrières. Contrairement aux années antérieures, les vendeurs de moutons burkinabés ne sont pas du tout nombreux. Godfroy a fait le même constat. Il souligne quand les Burkinabé sont présents en grand nombre, le marché est plein. Aucun des vendeurs venus du pays des hommes intègres n’a souhaité se prononcer sur cet aspect. Par crainte ou par prudence ? Difficile de la dire. Toutefois, Adamou, le vendeur nigérien, proche de ses collègues burkinabé confirme la thèse de l’insécurité. Pour lui, cette absence s’explique par la situation sécuritaire délétère qui prévaut dans la partie septentrionale du Bénin et au Burkina Faso. D’ailleurs, la plupart des incursions des terroristes sur le territoire béninois s’est faite par la frontière bénino-burkinabé. « Ils (les vendeurs burkinabé) ont dit que, confie Adamou, c’est à cause de la sécurité au nord du Bénin là qu’ils ne sont pas venus. Le risque est grand. Si non les années antérieures, ce sont eux qui rendent les moutons moins chers. Nous-mêmes vendeurs, on achète chez eux et on revend sur place ».
Vendredi 23 juin, quelques Burkinabès sont arrivés dans le marché avec leurs moutons. Les années précédentes, ils sont souvent plus nombreux commentent les autres vendeurs. Toutes nos tentatives pour connaître les voies et moyens employés pour rallier Parakou ont été vaines. Mais, la population se réjouit et se tourne vers ces derniers. Dimanche 25 juin. Aïcha, la trentaine et portefeuille en main, vient d’acheter 3 moutons à 150 000, 120 000 et 115 000 FCFA chez les Burkinabès. « Chez les autres, des petits moutons qui n’atteignent pas ces tailles, ils diront 150.000 FCFA. » Aïcha a préféré acheter chez ceux-ci au détriment des vendeurs locaux parce que d’après elle, les nôtres ont une habitude malsaine. « Quand ils amènent les moutons ici au marché, ils leur donnent des produits et les animaux mangent et boivent beaucoup. Quand vous les achetez, il suffit qu’ils urinent et ils perdent du poids», déplore la jeune dame. « Si nos animaux sont chers, c’est parce que la majorité d’entre nous vendeurs locaux achetons et revendons », réagit Hadi, un vendeur de mouton natif de Parakou. Selon lui, en tant que revendeur il est obligé d’augmenter un peu d’argent au moment de revendre. C’est la seule condition pour faire du profit, admet-il, un peu amusé par le reproche des acheteurs.
Que dit l’Islam ?
D’après l’islamologue Harissou Zakari, tout musulman – ayant une réelle intention d’immoler et qui n’en a pas les moyens – aura la même récompense devant Allah, que celui qui l’a fait. « Le prophète Mohamed immolait deux moutons. Un pour lui, sa famille et l’autre pour tous ceux qui n’auront pas les moyens de faire autant. », explique-t-il. Quant au partage de la viande, il doit se faire en trois parties : « une partie pour la maison, une deuxième pour en faire un don et une dernière partie pour l’aumône afin que tout le monde puisse fêter », conclue Harissou Zakari.
La Tabaski ou la fête du mouton est la deuxième plus grande fête des musulmans. Elle se célèbre deux mois et dix jours après la fête du Ramadan qui marque la fin du mois du jeûne.
Célin Dossoumon & Faradj ALI YAROU