Contrairement aux élections de 2019 et 2021, les législatives de 2023 se sont déroulées dans la paix dans tout le pays précisément à Parakou qui constituait quand même un foyer de tension. Comment appréciez-vous tout ça ?
Je vais partir d’abord de l’appréciation des élections législatives de janvier 2023. Comme vous l’avez relevé et comme cela s’est observé, ce sont des élections qui se sont déroulées de façon normale, dans l’apaisement totale, sans bruit, sans problème. Je crois que tout ça est à mettre à l’actif de ceux qui nous dirigent et de l’opposition qui est une opposition responsable. Ça peut vouloir dire que des gens prennent conscience, que de plus en plus, le bruit ne règle rien, la violence ne règle rien. Donc nous sommes tous satisfaits du processus qui s’est déroulée. Aucune œuvre humaine ne peut être parfaite. C’est vrai que d’aucuns ont d’autres appréciations, mais de façon générale, les gens s’accordent à dire que c’est une élection apaisée qui a encore marqué des points pour le pays, le Bénin. En ce qui concerne les élections passées, ce n’est pas moi qui vous le dit. 2019, 2020, 2021, vous êtes témoins, il y a eu des foyers de tensions, des échauffourées. On a connu des situations un peu partout, particulièrement à Parakou, qui sont des situations regrettables. Donc sans hypocrisie il faut dire que les choses ne s’étaient pas bien passées. C’est regrettable ! Nous aurions voulu que définitivement ces pages soient tournées. Je crois que c’est déjà tourné. Arès les résultats des législatives passées, quand on entend le chef de l’Etat lui-même dire que le Bénin vient lui-même ainsi de tourner la page de la violence en période électorale, je crois que c’est quand même une satisfaction. Désormais on peut donc penser qu’on ne peut plus vivre ces genres d’événements. La violence ne règle rien.
Donc on peut dire 2023 c’est bon, tout ce que nous avons vécu par le passé c’est derrière nous. Il n’y a plus rien ?
On peut dire c’est bon. Tout ce que nous avons vécu par le passé c’est derrière nous notamment les violences. Et c’est déjà important. Aucun développement ne peut être fait dans l’insécurité, dans la violence. De ce point de vue, c’est bien. Cependant, il y a des ardoises qui restent par rapport aux élections passées. Je crois que quand on a la chance de vous rencontrer comme ça, il faut profiter de l’occasion pour plaider pour la cause de certains qui sont encore en prison. Il y a beaucoup de jeunes qui sont encore en prison par rapport aux élections, surtout de 2021. Donc, c’est l’occasion de demander, de plaider pour leur libération puisque, je crois savoir, même le chef de l’Etat a pris des dispositions pour dire que tout ce qui s’est passé on laisse tomber les peines. Et je crois que dans ce cadre, beaucoup de jeunes avaient déjà recouvré leur liberté après 2019. Même la fois dernière, je crois que près de 400 prisonniers avaient recouvré leur liberté après la mesure du chef de l’Etat. Je crois que nous allons saluer cet effort, qui est un effort d’apaisement et nous allons profiter pour demander plus afin que cette ardoise soit définitivement effacée et que des prisonniers, qui sont des Béninois, puissent retrouver leurs familles respectives, se reconvertir. Donc, tout n’est pas encore évacué par rapport à ça. Je crois que c’est un processus. Dès que c’est déjà entamé, je crois que le reste va suivre surtout si nous continuons à demander. On ne peut rien imposer, on ne peut que demander. Et ce que je fais actuellement, je considère que c’est dans cette démarche que je suis. Il y a beaucoup de jeunes qui sont en prison par rapport à ça notamment dans les régions de Parakou. Il y a une liste qui est longue. Quand la mesure avait été annoncée, quand le chef de l’Etat avait pris la mesure de les gracier, beaucoup de parents à Parakou étaient dans l’euphorie, dans la joie espérant que les mesures allaient les toucher. Je crois qu’ils n’ont pas été comblés dans leur attente. C’est ce qu’on entend, c’est ce qu’on ressent puisque beaucoup de gens sont encore en prison. Parmi eux, il semble des gens qui n’ont même pas été jugés, qui ne sont pas présentés au Procureur mais qui sont en prison. De toutes les façons, puisque le gouvernement a trouvé que ce sont ses enfants et qu’il faut leur pardonner la faute, et les libérer, je crois qu’on va les encourager à évoluer dans ce sens pour que les gens qui sont encore dans les quatre murs des prisons puissent recouvrer leur liberté. C’est un plaidoyer pour l’apaisement total. Le Bénin n’était pas connu comme ça. Je crois qu’on a fait une expérience, on a vu ce que ça a donné. Je crois que l’essentiel, c’est de savoir qu’on a tourné définitivement dos à la violence préélectorale, en période électorale et post-électorale. Donc nous allons demander, à chaque fois que l’occasion se présente, plaider pour que ceux-là recouvre leur liberté.
Donc à bien vous écouter, au-delà des cas les plus connus : Reckya Madougou, Joel Aivo, il y a des jeunes. Est-ce que selon vous ce ne sont pas des badauds ? Autrement dit, ces jeunes dont vous parlez, quels sont leur profil ?
Je profite en même temps pour dire, oui j’ai parlé de jeunes mais je parle aussi de Reckya Madougou qui est une cousine à moi et de l’éminent professeur Joel Aivo qui est une personnalité connue au Bénin comme au-delà de nos frontières. C’est des plaidoyers. Dieu nous a créés pourtant parfois on s’oppose à Dieu. Dieu qui a notre souffle, qui peut l’arrêter à tout moment, qu’on soit pécheur ou élu de Dieu. Et pourtant quand on n’est pas sur sa droite ligne, il ne nous enlève pas le souffle. Il pardonne, il espère une reconversion. Je crois que si on doit voir comme cela un chef de l’Etat, dans nos régions en Afrique, c’est presque des dieux. C’est lui qui est père de la Nation. Déjà, un père de famille, il a des enfants qu’il va certainement apprécier par rapport à leur comportement, il y en a qu’il ne va pas forcément apprécier parce qu’il trouve que le comportement n’est pas juste. Mais pas pour autant qu’il les rejette complètement.
Alors, M. Batcho, dans la catégorie de jeunes dont vous parlez, quels sont leurs profils ?
J’en venais. Pour ce qui concerne donc les jeunes, la plupart sont des étudiants, des apprentis. La grande majorité même c’est des étudiants. A ce que je sache, ce ne sont pas des badauds, des bandits. Non, c’est des étudiants. Vous savez, quand il y a des mouvements, quelqu’un qui était censé être cool, peut être emporter par les mouvements. Ce n’est pas des bandits, à ce que je sache. Je ne suis pas l’homme compétent pour apprécier. Mais ce que je sais, la plupart sont des étudiants.
Et qu’est-ce que l’incarcération de ces jeunes cause sur eux comme dommage, à votre connaissance ?
Les dommages sont vraiment innombrables. Déjà, la plupart ont une famille restreinte : monsieur, madame et les enfants avant de parler de la famille large. C’est une insécurité que cela crée au sein de la famille. Les enfants sont abandonnés, la maman est abandonnée. Ça pose un problème de prise en charge et d’éducation des enfants, du foyer en général. Et si on s’en tient à ce que Jean Jacques Rousseau a dit, la famille est le premier modèle des sociétés exemplaires. Si ce grand philosophe politique a dit ça et qu’il n’a pas menti, je crois qu’il va falloir qu’on pense à ce que l’insécurité se combatte au niveau de la famille pour ne permettre à ce qu’elle s’installe au niveau de la famille. Par rapport à leurs études aussi, imaginez, ça fait près de trois ans maintenant qu’ils sont coupés du monde de l’apprentissage. Je crois que le mieux, c’est de plaider pour qu’ils reviennent continuer et finir leurs études pour pouvoir prendre soin de leur famille.
Votre plaidoyer, c’est beaucoup plus le chef de l’Etat. C’est à croire que les députés que le peuple vient d’élire n’ont aucune responsabilité pour la relaxe de ces personnes-là.
Ce n’est pas forcément seulement le chef de l’Etat. Non ! Si j’appuie sur lui, c’est parce qu’il est le premier responsable du pays. Et quoiqu’on dise, il a toutes les armes pour faire passer une volonté, même personnelle. Je sais ça. Tel que nos sociétés sont organisées ici en Afrique, le chef de l’Etat, c’est quelqu’un qui a beaucoup de pouvoir et qui peut régler cette situation. Voilà pourquoi je me suis appesanti sur lui. Cependant, nous avons aussi des élus tels que les maires, les députés qui sont les deuxièmes personnalités du pays. Donc tous ceux-là qui peuvent agir, d’une manière ou d’une autre, plaider le cas de ces gens en prison, nous appelons à ce qu’ils le fassent pour qu’on nettoie cette ardoise et que les gens retrouvent leur famille afin que la famille continue de rester le premier modèle des sociétés politiques.
Source : Matin Libre, Crystal News