Connaissez-vous la première dame en noir ayant porté avec honneur le nom du Bénin à l’international ?
Allons à la découverte de Mama Babachènè Fati, la première arbitre femme FIFA du Bénin, dans ce septième numéro de votre rubrique ”hommage aux anciennes gloires”. Portrait
Mama Babachènè Fati puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est née en 1964 à Djougou.
Fati était au début, passionnée par le football alors qu’elle était encore au primaire : « j’aimais et je jouais au football depuis le primaire ; car j’avais un grand frère, Babachènè Machoudou qui fut joueur au sein de plusieurs clubs mythique du Bénin. Donc, je les suivais. Malheureusement, maman disait que ce sport était réservé aux hommes et à chaque fois que je rentrais pieds sales, elle demande à mon frère de me chicoter ».
Une fois au collège et malgré elle même, elle va abandonner le sport roi au profit des sports de main tel que le volley-ball, le basket-ball et même le handball. Des disciplines dans lesquelles, elle réussit à intégrer l’équipe nationale.
Après deux échecs au baccalauréat, Fati laisse les bancs. Et ce n’est qu’en ce moment que son histoire avec le sifflet débute: « Quand je quittais l’école, il y avait des collègues dans mon quartier qui faisaient l’arbitrage qui m’ont dit : “Ah, toi, tu aimes le sport alors viens au niveau de l’arbitrage du football ”.
J’ai dit, oui, j’aime ce jeu là et j’y ai trouvé un moyen pour me rapprocher du football ».
Rapidement, Babachènè Mama Fati va gravir les échelons et devient arbitre fédérale en 1996, elle a d’ailleurs terminé majeure de sa promotion à l’étape des épreuves orales: « Fatou est de Djougou et en matière de football, Djougou était devant parakou mais il n’y avait pas d’arbitre là-bas et elle venait suivre les cours à parakou et repartait jusqu’à ce qu’elle ait eu le niveau d’arbitre de district. Et ensuite, elle est repartie vers Cotonou », nous raconte Tapé Seïdou Gbian anciens président de la Commission Régionale des Arbitres dans les années 60.
Au vu des performances de cette dernière, la Commission Centrale des Arbitres l’a proposé sur la liste FIFA en 1997 : « Par le biais de la Fbf, j’ai été retenue sur cette liste et c’est comme ça, je suis devenue la toute première femme arbitre du Bénin sur la liste FIFA ». Une liste sur laquelle elle sera reconduite 11 fois de suite.
Babachènè était une arbitre rigoureuse, endurante et très proche des actions: « Quand j’étais jeune, je ne tolérais pas qu’on bafoue ma dignité ; donc pour cela je ne mélangeais pas amour et carrière » nous a-t-elle révélé
Tabé Gbian Seïdou nous confirme cela d’ailleurs : « C’était une arbitre Athlétique. Quand il y a des tests, elle était meilleure que d’autres hommes puisque c’était un mélange dans le temps. Quand Fatou commence par arbitrer, on ne peut plus s’amuser, elle était rigoureuse ».
Durant sa carrière, elle a dirigé d’innombrables matchs tant au niveau district, national qu’international ; mais elle se souvient rigoureusement de 3 événements qui l’ont marqué : « Le premier match qui m’a le plus marqué, c’était en 1997. Après proposition de mon nom sur la liste FIFA, les membres de la CCA devaient me voir à l’œuvre pour qu’on m’accepte sur cette liste en tant qu’arbitre principale et ils étaient tous là ce jour là. On était en plein championnat et c’était un match au cours duquel, Dragons recevait Requins. Comme j’étais vraiment athlétique, le terrain de Porto-Novo ne m’influençait pas et les gens ne s’en remettaient pas qu’une femme se mette à courir comme ça, durant 90 minutes. Pendant le match, sur une contre-attaque, Adio Jacob avait pris le ballon et a driblé les deux défenseurs qui étaient avancés et le gardien feu Imorou Soumaila était sorti, il l’a driblé aussi et au moment de mettre le ballon dans les filets, le gardien a fait un bond et bloque le ballon sur la ligne. Les gens s’attendaient à ce que ce soit un but, même mon assistant et j’ai dit non, le ballon n’a pas traversé entièrement la ligne de but. Et ç’a retenu l’attention de tous ».
Digne fille de Djougou, Babachènè a fait les frais de la fougue des Djougoua quand elle était encore au niveau district : « C’était entre Panthère et Buffles. À la 12e minute, les Buffles ont eu une contre-attaque. L’attaquant a driblé les défenseurs de panthères et arrive à rempoter son duel face au gardien. J’étais obligé d’accorder le but. Et les gens disaient comment une fille de Djougou peut faire ça… Malgré que Panthère a égalisé ce jour là, j’ai dormi à la police ».
Elle n’a également pas oublié son premier match à l’international, « C’était au Mali, où l’équipe féminine du Mali jouait contre celle du Maroc. Et comme c’était ma toute première sortie, il fallait tout donner et j’ai bien fait mon match. À la fin, mon commissaire disait : Ah ! Babachinnin, c’est bien ; mais tu étais où depuis et tu as laissé la Caf décidé de ne plus mettre des femmes sur le match des hommes ? ».
Babachinnin a gardé le sifflet pendant 19 ans. Une carrière très riche et assez instructive pour dire à la nouvelle génération d’arbitre que : « l’arbitrage demande beaucoup de choses comme la condition physique, la technique, mais aussi la dignité. Il faut travailler pour s’imposer, être proche des actions et bien apprécié, car même si la décision de l’arbitre est erronée, on dira pourtant il est à côté donc il a certainement vu quelque chose. S’agissant des techniques, il faut toujours lire, comprendre et appliquer les lois du jeu, mais aussi appliquer l’esprit des lois du jeu à des moments donnés. Ce qu’ils font aujourd’hui ne leur exprime sûrement rien, mais ça peut vous rattraper demain, c’est pourquoi, il faut toujours tenir compte de sa dignité pour ne pas prendre, partie dans un match. Appliquez la loi même s’il arrivait que les gens mécontents de la décision vont jusqu’à la violence. Toi, tu auras fait ton devoir ».
Babachènè Mama Fati a déposé le sifflet en 2007 à l’âge de 43 ans. Aujourd’hui âgée d’environs 58 ans, elle continue d’être proche du football en tant que commissaire aux différents matchs du championnat.
Célin Orou Dossoumon