« Si j’avais suivi les ordres et les désirs de mes grandes tantes, je serais déjà mariée à 16 ans. J’ai refusé et ça a mal tourné. Mes parents m’ont proposé deux à trois hommes qui n’étaient pas de mon goût et j’ai ignoré. » Tel est le témoignage poignant d’une jeune fille de 17 ans qui se bat aujourd’hui contre un mariage forcé. Pression parentale, avenir compromis, désarroi profond, pensée de fuite… C’est la réalité à laquelle fait face cette adolescente, que nous appellerons Cherifath, résidant au quartier Nima, dans le deuxième arrondissement de Parakou. Oui, vous avez bien lu : le phénomène du mariage forcé demeure une actualité brûlante, et pire encore dans la métropole du Nord, la Cité des Kobourou.
Alors qu’on aurait pu croire que les nombreux textes juridiques et mesures prises par le Bénin pour protéger les femmes et les filles contre les violences basées sur le genre feraient disparaître certains fléaux, certains parents, au nom de la tradition ou de prétendues « lois religieuses », continuent en plein XXIᵉ siècle de priver les filles de leurs droits fondamentaux à l’épanouissement et au bien-être.
Cherifath est une jeune fille, élève en classe de seconde, qui aurait dû normalement passer en première pour l’année scolaire 2025-2026. Mais hélas, elle est aujourd’hui éloignée des salles de classe et accompagne désormais sa tante (grande sœur de son père) dans ses activités commerciales. Notre équipe l’a rencontrée au petit matin du mardi 25 novembre 2025 au quartier Ladjifarani. Visiblement déboussolée, elle n’a pas hésité à raconter son histoire dès nos premiers échanges.
« Pourquoi tu ne vas plus à l’école ? », lui avons-nous demandé. « Mes parents ont demandé que je quitte l’école pour commencer le commerce puisque je suis une fille », confie-t-elle. C’est de là que toute la discussion est partie. Elle s’est livrée sans détour. Mais dès que nous nous sommes présentés comme journalistes, une légère panique s’est installée. Elle n’a toutefois pas refusé l’entretien.
Selon ses témoignages, Cherifath a déjà échappé à trois tentatives de mariage forcé, malgré son jeune âge. Mais ses parents semblent déterminés à lui imposer un destin qu’elle refuse catégoriquement. Pour cette quatrième tentative, elle dit n’avoir, selon eux, « plus son mot à dire ». Un quatrième prétendant est déjà dans les coulisses, et il ne resterait qu’à « consommer », selon ses propres mots.
« Ils m’ont proposé deux à trois hommes qui n’étaient pas à mon goût. J’ai ignoré et je peux dire que le quatrième insiste. Si j’avais accepté ce mariage, j’aurais déjà deux ou trois enfants aujourd’hui », explique-t-elle. « Avec mes ambitions et mon honneur, j’ai refusé parce que ce n’était pas mon intention. »
Cette fois, ses parents sont catégoriques : « Avec cette quatrième offre, ils ont insisté que je n’ai pas mon mot à dire. Que je n’ai pas le choix. » Pourtant, dit-elle, « je ne suis pas prête à me marier » et « je n’ai pas encore l’âge ».
Son père serait, selon elle, l’auteur principal de cette décision. C’est lui qui aurait exigé qu’elle quitte l’école pour se marier et aide sa tante dans le commerce. Malgré les tentatives de persuasion de celle-ci pour que Cherifath continue au moins une formation, le père aurait opposé un refus ferme : « Mon papa a refusé que je poursuive les cours. Pour lui, je suis son enfant donc il a le droit de faire ce qu’il veut. » Résultat : Cherifath, qui vit chez sa tante depuis plus de huit ans, se voit arracher ses ambitions. « J’ai toujours voulu être sage-femme, c’était mon rêve depuis l’enfance », regrette-t-elle. « J’ai demandé si je pouvais faire cette formation avec le BEPC, mais on m’a dit qu’il faut le Bac. »
Malgré ses efforts pour convaincre ses parents de lui accorder du temps afin de construire son avenir et atteindre un âge raisonnable pour le mariage, ceux-ci affirment ne plus être disposés à l’écouter, arguant qu’elle a déjà refusé trois propositions de mariage. Face à cette pression, Cherifath envisage désormais la fuite : « Je pense aussi fuir comme mes amies », confie-t-elle.
Elle n’est d’ailleurs pas la seule dans ce cas à Parakou. Elle raconte avoir été témoin de plusieurs situations similaires. L’une de ses amies, notamment, s’est enfuie le jour même de son mariage et demeure introuvable.
Ne sachant plus à quel saint se vouer, Cherifath endure la situation faute d’alternatives. « J’ai peur pour le moment que mes parents me disent de prendre mes affaires et de quitter la maison. C’est pourquoi je supporte d’abord », admet-elle.
Profitant de notre plateforme, elle lance un appel pressant aux autorités compétentes et aux organisations de défense des droits des femmes et des filles, afin de lui venir en aide. Car, dit-elle, « donner une fille à un homme sans son avis ou son consentement peut la pousser à faire ce à quoi elle ne s’attendait pas ».
A.O
















