Une internaute béninoise, suivie par plus de 40 000 abonnés, a publié sur sa page Facebook, dimanche 16 novembre 2025, que le Président Patrice Talon pouvait “prolonger son mandat de deux ans”, suite à la récente révision de la Constitution béninoise du samedi 15 novembre. Cette publication est fausse selon les vérifications de Libre Check.
“La nouvelle constitution du Bénin est en vigueur dès aujourd’hui (dimanche 16 novembre, ndlr) et, en vertu de la nouvelle République, le président Patrice Talon peut prolonger son mandat pendant les deux prochaines années à compter du 6 avril sauf s’il refuse”. C’est la publication de Kimber McDonald, une influenceuse béninoise, le 16 novembre dernier (voir le post) . La publication a été liké par plus de 900 personnes puis partagé 15 fois. Elle a également suscité de nombreuses réactions dans les commentaires.

Selon cette internaute, le Chef de l’État béninois pouvait, s’il le voulait, aller au-delà de son second mandat de 5 ans, qui prendra fin en avril 2026.
La veille de cette publication, le 15 novembre, le parlement béninois a adopté une nouvelle révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Parmi les 109 députés de l’Assemblée nationale, 90 ont voté pour et 19 contre (vidéo révision constitutionnelle). Cette nouvelle modification de la loi fondamentale a entraîné de nouveaux changements.
Les nouveautés de la Constitution
Désormais, les mandats des députés et des maires passent à sept ans renouvelables au lieu de cinq ans. Cette réforme a également approuvé la création du Sénat. Il devient la chambre haute du parlement. Son rôle est de réguler la vie politique, de veiller à l’unité nationale, à la sécurité publique et à la paix. Elle pourra se prononcer sur les lois votées par l’Assemblée nationale, demander une seconde lecture des projets de loi et intervenir dans des situations jugées critiques pour la stabilité de l’État.
Le Sénat sera composé de membres de droit, dont les anciens présidents de la République, de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle, ainsi que les chefs d’État-major des forces de défense et de sécurité. Des membres nommés compléteront cette liste, désignés par le président de la République et le président de l’Assemblée nationale, sans dépasser un cinquième du total des membres. La taille de la chambre devrait se situer entre 25 et 30 sénateurs (l’intégralité du texte adopté).
La limite d’âge des Sénateurs est de 85 ans, a précisé le député Assan Séibou, l’un des initiateurs de cette proposition de loi sur Bip radio, une radio privée de Cotonou (explication Sénat).
Quid du Président de la République ?
Selon l’article 42 nouveau, le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 7 ans, renouvelable une seule fois. Nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de Président de la République.
La nouveauté de cet article concerne la durée du mandat du Chef de l’État qui passe de cinq à 7 ans. Mais cela donne-t-il la possibilité à Patrice Talon d’aller au-delà de son mandat de cinq ans pour lequel il a été élu en 2021 ?
L’article 42 nouveau répond lui-même à cette question. Car il dispose en son alinéa 2 que “nul ne peut, de sa vie, plus de deux mandats de Président de la République”. Ce verrou sur la limitation des mandats a été introduit lors de la révision constitutionnelle du 19 novembre 2019. Sa reconduction dans la nouvelle Constitution était censée lever tout doute.
Si aucun Président ne peut faire plus de deux mandats de sa vie, une autre question vaut la peine d’être posée. Le Bénin bascule-t-il dans une nouvelle République après l’adoption de cette nouvelle Constitution ? Puisque c’est l’argument sur lequel se fonde Kimber McDonald, surnommé Mme Patou, pour conclure que Patrice Talon peut prolonger son mandat de deux ans après le 6 avril 2026, s’il le souhaite (voir le post).
Il n’existe aucun article ni aucun passage dans la nouvelle Constitution qui dit explicitement que nous sommes dans une nouvelle république. C’est pourquoi, le député Assan Seïbou, co-auteur de cette proposition de loi, a clarifié lors de l’émission Le Débat de Canal 3, samedi 15 novembre. D’après ses explications, la nouvelle révision de la Constitution “n’engage pas le Bénin dans une nouvelle république” (lien déclaration). En 2019, le Parlement avait aussi insisté sur le fait que la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 n’entraînait pas le pays dans une nouvelle république.
Assan Seïbou et Aké Natondé, les deux auteurs de cette proposition de loi, expliquent que l’ensemble de ces dispositions entrera en vigueur à partir des élections générales de 2026. Donc ces modifications ne s’appliquent pas au mandat en cours de Patrice Talon.
L’article 57 de cette Constitution prévoit en son alinéa 2 que le Président de la République assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par le Président de l’Assemblée nationale.
Nous avons contacté le porte-parole du gouvernement pour savoir si le Chef de l’État a déjà reçu la nouvelle version de la loi fondamentale, toujours aucune réponse au moment où nous écrivons ce papier.
Un constat est tout de même clair, c’est que cette loi ne figure pas pour le moment dans la liste des lois promulguées sur le site du Secrétariat Général du gouvernement (Site Secrétariat du Gouvernement).
Que dit le Patrice Talon lui-même ?
À plusieurs occasions, Patrice Talon, 67 ans, a réaffirmé son souhait de quitter le pouvoir après la fin de son second mandat en 2026. En 2023, c’était le Secrétaire général adjoint (SGA) et Porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, qui rassurait au micro du média burkinabè Sidwaya. Il assurait que malgré des appels à faire un troisième mandat formulés par certains Béninois, “le chef de l’État a dit qu’il respectera la Constitution. Il reste attaché aux textes. Il n’y aura pas de troisième mandat pour Patrice Talon. Il cédera le fauteuil à son successeur en 2026 (article Sidwaya).
Le 17 janvier 2025, Wilfried Léandre Houngbédji réitère ses propos lors d’une conférence de presse (la vidéo du porte-parole). À l’en croire, le Président Talon n’a aucune envie de prolonger son mandat d’un seul jour à la tête du Bénin.
Patrice Talon lui-même dit le 28 juillet 2025 au cours de sa rencontre avec la jeunesse au Palais de la Marina qu’il s’en ira à la fin de son mandat. Il a longuement entretenu les jeunes sur l’après-2026. « Une énième fois, je vous le redis : je ne serai pas candidat. Cette question m’agace. J’ai moi-même renforcé la constitution pour stipuler que nul ne pourra exercer plus de deux mandats dans sa vie. Personne ne va m’attacher sur le fauteuil présidentiel. Je m’en vais. J’ai vieilli », avait-il indiqué pour mettre fin à toutes les polémiques (lire l’article).
Les partis de la mouvance qui le soutiennent ont investi le ministre d’État Romuald Wadagni comme candidat à la présidentielle prochaine.

Verdict
La publication de Kimber McDonald est fausse. Car contrairement à l’information qu’elle a publiée, le Président Patrice Talon ne peut pas prolonger son mandat de deux ans en 2026, même s’il le voulait. Il ne le peut non plus parce que la Constitution ne le lui permet pas. Mais aussi parce qu’il a lui-même dit qu’il partira à la fin de son second mandat en avril prochain. Il faut, pour finir, retenir que la nouvelle révision de la constitution n’entraîne pas une nouvelle république.
Faradj ALI YAROU
















