Ce 31 août fut un dimanche politique au Bénin. Romuald Wadagni est désormais l’homme de la continuité. L’annonce de sa désignation par la mouvance présidentielle comme dauphin de Patrice Talon pour 2026 n’a surpris que les naïfs. Depuis plusieurs mois, les cercles du pouvoir laissaient filtrer son nom. Mais le président Talon a tranché : ce sera Wadagni, l’artisan de la discipline budgétaire béninoise pendant ces deux mandats. Wadagni, c’est celui qui a transformé le Benin en “bon élève” de la finance internationale. Le message de Talon est alors limpide et se résume en trois mots. Stabilité, rigueur et crédibilité.
Face à cette machine technocratique, l’opposition béninoise a un dilemme historique : continuer à dénoncer ou commencer à convaincre en proposant au peuple un choix de taille, pertinent et consensuel.
La stratégie de Talon : la force tranquille des chiffres
En neuf ans, Wadagni a dirigé le ministère de l’Économie de mains de maître. Il y a bâti une réputation de gestionnaire hors pair : dette restructurée, marchés financiers conquis, croissance à plus de 7 %, déficit réduit. Cette crédibilité, rare en Afrique, est désormais un argument politique. En choisissant son jeune ministre, Patrice Talon n’offre pas une rupture, mais une assurance aux Béninois. Selon le Chef de l’État, « rien ne changera, sauf peut-être la tête d’affiche. »
C’est redoutable. Car comment combattre un candidat qui incarne une économie stabilisée, appuyée par les bailleurs internationaux ? Les critiques sur le manque de démocratie ou les inégalités sociales risquent de paraître secondaires si la mouvance réussit à imposer le récit d’un Bénin “performant” lors de la campagne électorale.
L’opposition en quête de souffle
Les Démocrates, principaux adversaires du pouvoir, savent qu’ils ne pourront gagner en 2026 sur le seul terrain de l’indignation. Leur mentor, Yayi Boni, reste populaire, mais sa figure seule ne suffira pas. Face à Wadagni, ce banquier austère propulsé dans l’arène politique, il leur faut construire un discours capable de mobiliser les frustrations sociales : le coût de la vie, le chômage des jeunes, le sentiment d’exclusion politique.
Mais l’opposition souffre de ses divisions, de son incapacité chronique à fédérer une coalition solide, et d’une image souvent associée à un passé politique qu’une partie de l’opinion juge révolu. Un passé que le Président a qualifié de “honteux”. Pendant que le pouvoir déroule sa stratégie avec méthode, l’opposition donne trop souvent l’impression de courir derrière les événements.
Le défi de la crédibilité
En réalité, le vrai combat se jouera sur la crédibilité. Wadagni n’est pas un tribun ; c’est un technocrate. Mais il s’avance avec les chiffres, les agences de notation et les bailleurs pour témoins. L’opposition, elle, devra prouver qu’elle a autre chose qu’un ressentiment politique à offrir. Peut-elle proposer un modèle économique alternatif ? Des réformes sociales ambitieuses ? Un programme qui ne se résume pas à “faire tomber le système Talon” ? Nourou-Dine Saka Saley, que certains jeunes appellent à représenter l’opposition lors de ce scrutin, pourra-t-il faire le poids face à Wadagni ?
En tout cas, si l’opposition échoue à répondre à ces questions, Wadagni, malgré son absence de charisme populaire, aura déjà gagné une bataille essentielle : celle de l’image.
Une présidentielle déjà cadrée
À moins d’un électrochoc stratégique, le scrutin de 2026 pourrait être moins une élection qu’une validation : celle du choix de Talon pour un successeur qui rassure les marchés et prolonge sa vision. Mais si l’opposition parvient à incarner un véritable projet social et démocratique, elle pourrait transformer cette élection en un duel de visions.
Ce n’est pas Wadagni que l’opposition devra affronter. C’est le sentiment, de plus en plus ancré, que le Bénin va bien. Et ça, c’est une bataille autrement plus difficile que de critiquer les chiffres.
Faradj Ali Yarou