Il fallait oser. Et certains Béninois l’ont fait. Offrir de l’argent au Chef de l’État, Patrice Talon. Oui, vous avez bien lu. Dans un pays où « l’argent ne circule plus », où les plaintes sur la cherté de la vie sont le pain quotidien, certains compatriotes prennent pourtant le temps – et surtout l’argent – pour envoyer 5 000 ou 10 000 francs CFA à la Présidence. Pas pour supplier, pas pour quémander un poste, non. Juste pour dire merci.
Selon les révélations du porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, dimanche 20 juillet sur Canal 3 Bénin, ces élans de générosité ne seraient pas anecdotiques ni surprenants. Des lettres, sincères et chargées d’émotion, parviennent régulièrement au Palais de la Marina. Certaines accompagnées de petites enveloppes, dans lesquelles des citoyens glissent une part de leur reconnaissance – en espèce sonnante et trébuchante. L’un d’eux, manifestement très inspiré, aurait même proposé au président Talon de rester au pouvoir après 2026, quitte à venir lui expliquer comment faire. On imagine bien la scène.
Mais une question taraude l’esprit : qui sont donc ces Béninois capables de donner de l’argent à un président déjà à l’abri du besoin ?
Parce que pendant ce temps, dans les marchés de Malanville ou de Cotonou en passant par Parakou, les complaintes montent. Le kilo de maïs, de riz, du haricot, de l’huile même du gari ont pris l’ascenseur. Même le transport coûte cher. D’après la caricature de certains compatriotes, le panier de la ménagère longtemps trouée à finir par disparaître. Et dans la rue, une phrase est devenue refrain : « l’argent ne circule plus. »
Alors, d’où viennent ces billets qui circulent jusqu’au bureau présidentiel ? Sont-ils un mirage dans le désert économique que déplorent beaucoup ? Ou un geste sincère d’une minorité bénie qui a su tirer son épingle du jeu ?
Là où certains envoient de l’argent, d’autres peinent à en avoir pour assurer les trois repas quotidiens. Là où certains écrivent pour dire merci, d’autres crient leur détresse et n’obtiennent aucune réponse. Et pendant que ces lettres émouvantes remplissent les tiroirs de la Présidence, les doléances des chômeurs, des jeunes désabusés et des entrepreneurs en détresse attendent toujours une oreille.
Mais rendons à César ce qui est à César. Ces dons – aussi saugrenus soient-ils dans le contexte béninois actuel – traduisent quelque chose d’important : un lien affectif entre un président et une frange de son peuple. Un lien qui, s’il peut attendrir, ne doit pas faire oublier l’autre réalité, moins reluisante : celle d’un pays où l’argent ne s’offre plus, il se cherche. Âprement. Désespérément.
Alors, ces donateurs sont-ils des patriotes ? Des rêveurs ? Des chanceux ? Des provocateurs ? Ou simplement de nouveaux riches fabriqués accidentellement par le régime de la Rupture ? Peut-être un peu de tout ça à la fois.
Faradj Ali Yarou