Ambiance bon enfant mais message sérieux (ou presque) du président de l’Association Culturelle Borno Mannin du Bénin (ACBM-B), le Colonel à la retraite des eaux et forêts Bio Mohammed Bah Imam. À la faveur de la fin de l’année linéaire marquée au nord Bénin par le traditionnel feu de brousse — appelé Nornin furu en dendi ou Dorkoru en bariba — le colonel a lancé un appel “musclé” à sa communauté : il est temps d’aller collecter les “durs”, ces dettes symboliques que les Peuls doivent aux Mannins selon la tradition de la plaisanterie parentale. Et cette fois, pas question de laisser les débiteurs fuir dans la brousse !
Dans un style truculent et une langue qui fait sourire tout en éveillant les esprits, le président Bah Imam a déploré la “disparition stratégique” des Peuls après le coup d’envoi symbolique des hostilités festives. « Depuis qu’on a mis le feu, on ne voit plus un seul Peul ! Ils ont disparu comme s’ils avaient senti le fisc venir ! » s’est-il exclamé, hilare. Il accuse ses cousins peuls d’avoir développé une stratégie d’insolvabilité chronique, en refusant de “payer les impôts traditionnels” dus aux Mannins, en nature ou en vaches, selon le code d’honneur ancestral.
Mais la riposte est en marche. Le colonel Bah Imam appelle tous les Mannins, qu’ils soient à Cotonou, à Parakou ou au fin fond du Gourma, à ne laisser passer aucun Peul sans lui “arracher son dû” — même symboliquement. Mieux, il annonce une descente personnelle dans les campements peuls pour “recouvrer” les créances traditionnelles. « Trop c’est trop. Si on ne voit pas les dettes, on va ramener les bœufs ! », promet-il dans un éclat de rire tonitruant. Il n’épargne personne : Mariam Djaouga Sacca, ministre conseillère, Adamou Mama Sambo, haut commissaire à la sédentarisation, et même Nafissa Amadou Poulo sont gentiment sommés de régler leurs arriérés sous peine d’être livrés en pâture aux “humoristes collecteurs” mannins.
Au-delà de la blague, cette sortie pleine de verve ravive avec bonheur l’esprit de la plaisanterie parentale, ciment des relations intercommunautaires au Bénin. En se moquant affectueusement de leurs cousins “mauvais payeurs”, les Mannins ne font pas que rire : ils renforcent des liens sociaux millénaires basés sur le respect mutuel, la dérision et la fraternité. Et si l’on en croit le président de l’ACBM-B, cette tradition vivante est loin de s’éteindre. Bien au contraire, elle prend feu… comme la brousse en fin d’année !