L’arrestation brutale du journaliste béninois Hugues Comlan Sossoukpè à Abidjan, puis son expulsion vers Cotonou, continue de susciter indignation et colère dans les milieux de la défense de la liberté de la presse. Réfugié politique au Togo depuis 2021, Sossoukpè a été arrêté le 10 juillet 2025 dans sa chambre d’hôtel à Abidjan, alors qu’il participait à une mission officielle à l’invitation du ministère ivoirien de la Transition numérique. Selon Reporters sans frontières (RSF), il a ensuite été conduit manu militari à l’aéroport, embarqué dans un avion privé et remis aux autorités béninoises, en violation flagrante de son statut de réfugié reconnu.
RSF, qui parle d’un acte « inouï », accuse les autorités ivoiriennes de complicité active dans la persécution d’un journaliste connu pour ses enquêtes sur les dérives du pouvoir béninois. « Cette extradition maquillée est une atteinte grave au droit d’asile et à la protection des journalistes », fustige Arnaud Froger, responsable du bureau investigation de RSF. L’organisation appelle à la libération immédiate de Sossoukpè et promet d’utiliser tous les recours possibles contre ce qu’elle qualifie de « dérive transfrontalière répressive ».
Selon les informations recueillies, l’arrestation du directeur du média d’investigation Olofofo n’a pas suivi les procédures habituelles. Alors qu’il séjournait à l’hôtel Palm Beach, propriété du Fonds de prévoyance militaire ivoirien, plusieurs agents de sécurité l’ont appréhendé sans mandat judiciaire et sans notification officielle. Promis à une audience devant un juge, il a en réalité été escorté dans le plus grand secret vers le salon d’honneur de l’aéroport où l’attendait un avion affrété spécialement pour son expulsion vers le Bénin, sans respect de ses droits fondamentaux.
À son arrivée à Cotonou, Hugues Sossoukpè a été placé en garde à vue avant d’être présenté à la CRIET, juridiction spécialisée souvent critiquée pour son usage politique. Trois chefs d’accusation lui ont été notifiés : harcèlement en ligne, rébellion, et apologie du terrorisme. Il est désormais détenu à la prison de Ouidah. Son avocat, Me Serge Pognon, dénonce un « piège international » et souligne que le journaliste avait signalé des menaces y compris au Togo, son pays d’exil. Face à ce scandale, le mutisme des gouvernements ivoirien et béninois interroge, renforçant les soupçons d’une coopération orchestrée en dehors de tout cadre légal.