Le Kenya semble avoir franchi une étape décisive dans son positionnement diplomatique sur le dossier du Sahara occidental. Lors d’une visite officielle à Rabat en mai 2025, le ministre kényan des Affaires étrangères, Musalia Mudavadi, a co-signé un communiqué saluant le plan d’autonomie proposé par le roi Mohammed VI comme « seule solution réaliste et crédible ». Bien que ce texte n’ait pas été diffusé par Nairobi, il marque une avancée significative dans le processus de retrait de reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd), jusque-là soutenue par le Kenya.
Ce réajustement diplomatique n’est pas sans contrepartie. Il s’inscrit dans un contexte de renforcement des liens économiques entre les deux pays, notamment autour de la question des engrais, cruciale pour la politique agricole du président William Ruto. Le groupe marocain OCP, géant mondial des phosphates, joue un rôle central dans cette dynamique, avec un projet d’implantation d’une usine au Kenya. Pour concrétiser cette ambition, la banque marocaine Attijariwafa Bank a obtenu une licence pour opérer à Nairobi, en mobilisant un capital conséquent.
À travers ce partenariat, Rabat consolide sa présence en Afrique de l’Est et transforme la question sahraouie en levier d’influence économique. Le Maroc, qui a su faire preuve de constance depuis la tentative avortée de rupture des relations kényanes avec la Rasd en 2022, voit ses efforts diplomatiques couronnés. Le président Ruto, de son côté, cherche à renforcer son bilan économique à mi-mandat en attirant des investissements stratégiques dans l’agro-industrie et les infrastructures.
La coopération maroco-kényane, appelée à se densifier, devrait connaître un nouveau souffle dans les mois à venir. Une délégation économique marocaine est attendue à Nairobi, et plusieurs chantiers sont déjà engagés, allant de l’industrie textile aux projets portuaires. Ce rapprochement, tout en subtilités diplomatiques, illustre une nouvelle forme de diplomatie africaine où intérêts économiques et postures géopolitiques s’imbriquent étroitement.