Le voile de mystère qui entoure le contrat entre l’État béninois et la société Bénin Control S.A. pourrait bientôt être levé. Le Groupe parlementaire Les Démocrates, par la voix du député Bio Sika Abdel Kamel Ouassagari, a introduit une série de questions orales avec débat au gouvernement, réclamant des éclaircissements sur ce partenariat public-privé jugé trop discret, voire opaque.
Au cœur de l’interpellation : la nature du contrat qui lie depuis 2011 cette filiale du groupe SFP (Société de Finance et de Participation) à l’État béninois, dans le cadre du Programme de Vérification des Importations (PVI).
Une histoire contractuelle en clair-obscur
Mandatée dès janvier 2011, Bénin Control S.A. avait vu son contrat suspendu en mai 2012 par le Président Boni Yayi, avant que le régime du Président Patrice Talon ne relance ses activités en 2017. Depuis, la société opère comme un bras technique de l’administration douanière, sans que le contenu précis du contrat n’ait jamais été rendu public.
“Peut-on enfin disposer du contrat qui lie Bénin Control à l’État béninois ?”, questionne le député Ouassagari, exprimant une demande de transparence partagée par une partie de l’opinion publique.
En 2012, le gouvernement déclarait que Bénin Control S.A. aurait généré 400 milliards FCFA de bénéfices en une année. Une performance exceptionnelle, qui soulève aujourd’hui des interrogations. Les députés demandent à connaître le montant exact des recettes publiques collectées par cette entité depuis 2017, leur répartition entre le Trésor public et l’entreprise, ainsi que la part reversée chaque année.
Les élus souhaitent également un état des activités menées par Bénin Control S.A. au fil du temps et sur l’ensemble du territoire béninois. Car au-delà de la collecte, se pose la question de l’efficacité et de la légitimité des actions menées.
Un point sensible souligné par les députés concerne les postes de contrôle juxtaposés aux frontières, exploités simultanément par la Douane et Bénin Control. Une situation perçue comme un doublon administratif, source potentielle de confusion et de lourdeur pour les opérateurs économiques.
Autre sujet brûlant : la gestion du bordereau électronique de suivi des cargaisons, assurée jusqu’en novembre 2021 par Bénin Control S.A. en lieu et place du port autonome de Cotonou. Comment une entreprise privée a-t-elle pu s’octroyer ce rôle stratégique, au détriment d’une institution publique ? La question reste posée.
Plus grave encore, les députés évoquent des violations manifestes de la réglementation douanière, notamment l’absence de scellés sur les camions citernes en transit, jusqu’en novembre 2021. Ces pratiques auraient occasionné des pertes importantes pour les finances publiques, dont les élus exigent une évaluation précise.
Ils dénoncent également la suspension unilatérale de la redevance “tracking” sur le coton fibre en 2017, jamais autorisée dans la loi de finances. La mesure, censée être temporaire, reste en vigueur à ce jour, sans base légale claire.
En toile de fond de cette interpellation parlementaire se pose la question centrale de la souveraineté de l’État sur ses missions régaliennes. Après plus d’une décennie de délégation, les députés demandent : “À quand le transfert de compétences à la Direction générale de la Douane ?”
Ils plaident également pour un plan d’investissement public en faveur de l’administration douanière, sur le modèle des équipements déployés par Bénin Control S.A. Enfin, ils veulent connaître la date de fin du contrat de prestation, ainsi que l’encours de la dette bancaire des entreprises publiques sur la période 2014–2017, un autre pan obscur de la gestion publique.
Avec cette série de questions précises et percutantes, le Groupe parlementaire Les Démocrates jette un pavé dans la mare. Le gouvernement est désormais sommé de répondre à la représentation nationale. Et ce débat pourrait bien ouvrir une brèche vers plus de transparence dans les relations entre l’État et ses partenaires privés.
A.O