Vendredi 20 décembre dernier, le Chef de l’État s’est présenté devant les parlementaires pour son traditionnel discours sur l’état de la Nation. Une allocution empreinte de satisfaction, mais également marquée par des contradictions flagrantes. Entre la célébration sélective des classements internationaux et le revirement spectaculaire sur la question des infrastructures routières, le président Patrice Talon a montré une posture difficile à concilier avec ses déclarations antérieures.
Autosatisfaction sur les classements internationaux : un double standard assumé
Lors de son discours, Patrice Talon n’a pas caché sa fierté concernant les rapports positifs émis par certaines institutions internationales. Le Bénin figure en bonne place dans plusieurs classements relatifs à la gouvernance, la gestion économique et les réformes structurelles. Le chef de l’État s’est félicité de ces avancées, y voyant une reconnaissance de sa politique de rupture et de rigueur. Ces résultats, selon lui, confirment la pertinence des choix opérés par son administration.
Cependant, cette reconnaissance s’avère sélective. En effet, lorsque ces mêmes organisations émettent des critiques défavorables à son régime, leur crédibilité est immédiatement remise en cause. Le cas de l’ancienne ministre de la Justice, membre du parti d’opposition Les Démocrates, illustre parfaitement ce paradoxe. Détenue depuis 2021, elle fait l’objet d’une attention particulière de la part du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Cette instance a clairement exigé sa libération immédiate et sans condition, jugeant son emprisonnement contraire aux normes internationales. Pourtant, le gouvernement béninois reste inflexible, accusant l’ONU de complot et d’ingérence dans ses affaires intérieures.
Un contraste similaire s’observe dans les relations du régime avec la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Les décisions de cette juridiction, souvent défavorables à l’exécutif béninois, sont rejetées ou ignorées, sous prétexte qu’elles porteraient atteinte à la souveraineté nationale. Ce rejet sélectif des institutions internationales met en lumière une posture ambiguë : le régime célèbre les jugements favorables, tout en dénonçant comme infondées les critiques qui remettent en question sa gestion.
Les infrastructures routières : le revirement spectaculaire
Un autre point marquant du discours réside dans les déclarations du président sur les infrastructures routières. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2016, Patrice Talon n’a pas manqué de critiquer son prédécesseur, Thomas Boni Yayi, qu’il accusait d’avoir multiplié des projets de construction de routes « inutiles ». À l’époque, le chef de l’État avait tenu des propos désormais célèbres : « On ne mange pas les routes. » Cette formule traduisait une vision orientée vers des priorités économiques autres que les infrastructures.
Cependant, le discours de vendredi dernier a révélé un revirement spectaculaire. Le président a déclaré : « C’est vrai qu’on ne mange pas les routes, mais la route fait manger. » Une phrase qui vient non seulement célébrer ses propres réalisations infrastructurelles, mais aussi reconnaître indirectement l’importance des routes pour le développement économique et social.
Ce changement de ton soulève des questions sur la constance du Chef de l’État. Comment passer d’une dénonciation acerbe à une glorification ouverte ? Ce revirement met en lumière une adaptation politique qui, si elle peut être interprétée comme un pragmatisme, trahit également une certaine incohérence dans la vision et le discours.
Un discours révélateur d’une posture controversée
Le discours sur l’état de la Nation 2024 laisse ainsi un goût d’ambiguïté. D’un côté, Patrice Talon s’affirme comme un président fier des réussites de son administration, mais, de l’autre, ses contradictions sur les classements internationaux et les infrastructures routières questionnent sa capacité à maintenir une ligne politique cohérente.
Ce double discours, qui mélange satisfaction et rejet sélectif, semble caractéristique d’un régime qui peine à accepter les critiques tout en revendiquant les succès. Pour les observateurs, ces contradictions risquent de fragiliser davantage l’image d’un président souvent perçu comme rigide et intransigeant.