Une nouvelle bavure policière au Bénin relance le débat sur l’abus d’autorité de nos forces de sécurité depuis le 19 novembre. La dernière victime : Faysal Ouorou Gani Samba, 27 ans; habitait au quartier Nima dans le deuxième arrondissement de Parakou. Quelle est desormais la mission de nos fonctionnaires de police : protéger les citoyens ou les tuer ?
C’est la question que beaucoup de Béninois se posent depuis le 19 novembre 2024 après la découverte du cadavre du jeune Faysal. Les policiers sont-ils là pour nous protéger ou pour nous tuer ? Là encore, seuls les plus courageux osent le dire à haute voix. Mais peut importe. La mort du jeune Faysal Ouorou Gani, relance le débat et l’on ne devrait plus se taire au risque de cautionner ses actes.
Petit rappel pour commencer. Dans la nuit du lundi au mardi dernier, Faysal sort faire des courses. Il prend un taxi moto. Au retour, lui et son zem sont approchés par des policiers pour contrôle d’identité. Ils présentent leurs papiers et tout est en règle. Alors, les agents demandent à accéder au téléphone de Faysal. Celui-ci aurait refusé. Ce refus va lui coûter sa vie. Molesté et brutalisé, son corps sera retrouvé le lendemain posé sur la moto bajaj du zem avec la carte d’identité de ce dernier. “Les policiers le battait comme un animal… En même temps j’ai pris fuite pour aller chercher du secours”, a déclaré le zem à la presse. Trop tard.
Cette ènième bavure policière a indigné l’opinion publique béninoise. Immédiatement, le hashtag JusticePourFaysal est devenu viral sur les réseaux sociaux. Les commentaires d’indignation inondent la toile. Sévères et acerbes. Les cas deviennent légions. Le 5 septembre 2023, le jeune Martin Hounga est tué par la police à Hêvié lors d’une opération. L’affaire a fait également grand bruit. Le 18 juillet 2024, à Sori à Gogounou, des policiers tirent sur trois citoyens parce qu’ils circulaient sans casque. L’un d’eux meurt sur le champ. Les deux autres sont blessés et conduits à l’hôpital. En avril dernier, c’était la vidéo montrant quatre policiers en train de frapper un citoyen pour non port de casque qui a fait le tour du pays.
Dans la plupart des cas, la réaction de la police républicaine est timide ou banale. Comme si, désormais au Bénin, la vie humaine ne valait plus grand chose. Comme si le Bénin était devenu un pays de narcotrafiquant. Le cas qui aura le plus marqué les esprits c’est celui du jeune Martin Hounga. D’après le communiqué de la police, on retient que Martin Hounga n’était qu’un “citoyen qui a perdu la vie” lors d’une opération de police. Quel mépris ! On est donc un peu surpris par le changement de ton de la police dans le cas Faysal. C’est la première fois que la police reconnaît officiellement que ses éléments ont mal agi. Au moins cette fois-ci, la police dite républicaine qualifie la mort de Faysal Ouorou de « malencontreux », c’est-à-dire que c’est fâcheux. C’est un bon début.
Serment oublié
Les agents de la police prêtent serment avant de prendre officiellement fonction. « Je jure … de ne faire usage de la force qui m’est confiée que pour l’exécution de la loi … », disent-ils en substance. La loi, c’est avant tout, la Constitution béninoise qui a gravé la sacralité la vie dans son article 15. « Tout individu a droit à la vie … ». Un policier coupable de bavure policière viole non seulement son serment et par dessus tout la Constitution et les Conventions qui protègent les droits humains. Nul n’est censé ignorer la loi. Cette maxime s’applique, au premier chef, au policier qui applique la loi en cas d’infractions ou de délit. Un policier peut-il dire qu’il ignore les lois qui encadrent les droits humains dans notre pays ? Difficile de le croire. A supposer qu’ils l’ignorent vraiment. A qui la faute ?
Formation et sanction
La dénonciation des bavures policières au Bénin ne date pas d’aujourd’hui. Et, elles ne sont pas prêtes de s’arrêter apparemment. Au contraire. Pourtant, les élèves agents de police suivent une formation sanctionnée par un diplôme avant d’être déployés pour l’exécution de leur mission. Cette formation est censée leur inculquer les droits fondamentaux de l’homme comme le droit à la vie. Si on estime que toutes les informations sur le professionnalisme leur ont été enseignées lors de cette formation, alors tous ces abus et bavures qu’on continue de récencer sont des faits de policiers hors-la-loi, indélicats et incompétents. « Un militaire sans formation … est un criminel en puissance », disait Thomas Sankara. C’est pareil pour un policier.
Le 25 avril 2024, trois policiers avaient été condamnés par le Tribunal de Natitingou pour abus d’autorité et coups et blessures volontaires sur un citoyen. La police doit reconnaître qu’elle doit davantage former son personnel et être intransigeante sur les sanctions qu’elle prononce contre les hors-la-loi en son sein. C’est bien d’appeler les citoyens à dénoncer les abus ou à porter plainte si un policier fouillait illégalement leurs téléphones portables. Encore faut-il que la victime soit en vie pour porter plainte.
Faradj Ali Yarou