Le géant sud-africain des télécoms, MTN, a une nouvelle fois fait appel à Covington & Burling, le cabinet où officie Eric Holder, après que sa filiale iranienne a été accusée de violation de la loi antiterroriste américaine. Le tout dans un contexte diplomatique tendu entre Pretoria et Washington.
MTN a désormais jusqu’au 16 août, sauf report, pour convenir de la suite de la procédure qui l’oppose à plusieurs représentants de vétérans de l’armée américaine. Les avocats du cabinet américain Covington & Burling tenteront de trouver une issue favorable pour la société dirigée depuis 2020 par le Zimbabwéen Ralph Mupita, et sur laquelle pèsent des accusations de violation de la loi antiterroriste. Ces négociations s’appuieront notamment sur un rapport rendu mi-juillet, basé sur des documents et des e-mails récoltés par les avocats de MTN aussi bien en Afrique du Sud qu’auprès de la filiale dubaïote.
Dans cette affaire, les plaignants ont engagé devant la justice américaine une procédure dite de “discovery”, afin de récolter des preuves sur les liens entre MTN Irancell, filiale installée à Téhéran, et plusieurs organisations qualifiées de terroristes par Washington, comme les Gardiens de la révolution iraniens. Ces liens seraient à l’origine de la mort de plusieurs soldats en Irak et en Afghanistan entre 2006 et 2010. Le Sud-Africain Phuthuma Nhleko, président du groupe jusqu’en décembre 2019, ainsi que son ancienne directrice générale, Irene Charnley, se retrouvent également sur le banc des accusés.
De précieux réseaux politiques
En 2016, Phuthuma Nhleko, proche du président sud-africain Cyril Ramaphosa, avait déjà fait appel à ce cabinet, et plus particulièrement à Eric Holder. L’ancien procureur général des États-Unis sous la présidence de Barack Obama, entre 2009 et 2015, avait mené les négociations avec Abuja. Le Nigeria reprochait alors à MTN de n’avoir pas désactivé à temps des cartes SIM suspectées d’être utilisées par des membres de Boko Haram. L’avocat avait notamment réussi à réduire l’amende requise de 5,2 milliards à 1,6 milliard de dollars.
Si Eric Holder n’apparaît pas officiellement dans la procédure, ses réseaux politiques pourraient en faire un allié précieux pour MTN si elle devait se prolonger. L’ancien procureur général connaît parfaitement les arcanes juridiques liés à la lutte contre le terrorisme aux États-Unis, ayant lui-même décidé d’en confier la responsabilité aux juridictions civiles plutôt que militaires lors de son mandat.
Un moment de tensions
Les connexions d’Eric Holder pourraient être d’autant plus importantes dans cette affaire qu’elle arrive dans un moment de tensions entre l’Afrique du Sud et les États-Unis. En février, plusieurs parlementaires américains ont en effet proposé de revoir la loi sur les relations bilatérales entre les deux pays, afin de s’assurer, entre autres, que Pretoria n’a pas “porté atteinte à la sécurité nationale ou aux intérêts de la politique étrangère des États-Unis”. Les récents rapprochements avec la Russie ainsi que la proximité de l’Afrique du Sud avec la Palestine n’ont pas plu à Washington. Ces prises de position interviennent alors que des négociations sont en cours au Congrès américain autour de la prolongation au-delà de décembre 2025 de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui facilite les échanges commerciaux avec les États-Unis sur certains produits. Un programme dont l’Afrique du Sud entend bien profiter à l’avenir.
Ce dossier tombe donc particulièrement mal pour le nouveau ministre des affaires étrangères, Ronald Lamola, nommé le 1er juillet 2024 par le président Cyril Ramaphosa. Désireux d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers, Lamola souhaite en effet mettre l’accent sur la diplomatie économique de la nation Arc-en-Ciel, dont les États-Unis sont l’un des principaux partenaires. Il a toutefois été rassuré par l’appel du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, reçu début juillet, après sa nomination.
Source : Africa Intelligence