À Niamey, la situation pétrolière est marquée par une étonnante nonchalance des militaires vis-à-vis des exportations de brut via l’oléoduc Agadem-Sèmè. Cette infrastructure est actuellement paralysée par les tensions diplomatiques avec Cotonou et les attaques du Front Patriotique de Libération (FPL), un groupe armé toubou hostile à la junte.
Le 29 mars 2024, China National Petroleum Corporation (CNPC), la major pétrolière chinoise d’État, a signé un accord de pré-financement de 400 millions de dollars avec le régime d’Abdourahamane Tchiani. Cet accord, gagé sur la part de l’État dans les exportations de brut de la zone d’Agadem via le port béninois de Sèmè, a été exécuté rapidement avec le décaissement de la totalité de la somme sept jours après sa signature, soit début avril.
Depuis cette transaction, un seul tanker a quitté le port de Sèmè avec 961 313 barils de brut nigérien à destination de Marseille le 19 mai. Malgré les pressions de Feng Jiang, l’ambassadeur chinois à Niamey, la junte nigérienne reste réticente à faciliter le passage de nouvelles cargaisons via le Bénin.
Les relations entre le Niger et le Bénin se sont dégradées depuis juillet 2023 avec la fermeture de leur frontière terrestre, affectant gravement le transit pétrolier. Le président béninois, Patrice Talon, a bloqué le transport de pétrole tant que la frontière demeure fermée, menaçant l’activité des ports de Sèmè et de Cotonou, au profit de Lomé. Toutefois, Abdourahamane Tchiani ne semble pas pressé de résoudre ce conflit, l’argent reçu de la CNPC suffisant pour soutenir son régime pendant plusieurs mois.
En parallèle, le pipeline de 1 900 km reliant Agadem à Sèmè, capable de transporter plus de 100 000 barils par jour, est ciblé par des attaques de groupes armés. Le 16 juin, le FPL a attaqué l’infrastructure dans l’ouest du Niger, causant des déversements de brut. Mahamoud Sallah, le chef du FPL, a exigé l’annulation du prêt de 400 millions de dollars, menaçant de nouvelles attaques en cas de refus.
Dans ce contexte tendu, la situation pétrolière au Niger reste incertaine, les enjeux sécuritaires et diplomatiques rendant l’avenir des exportations de brut via l’oléoduc Agadem-Sèmè de plus en plus précaire.
Anselme ORICHA