Lors de la tournée gouvernementale de reddition de comptes, au cours de laquelle les membres du gouvernement ont parcouru toutes les communes du Bénin, plusieurs déclarations ont retenu l’attention des populations. À l’étape de Toucountouna, dans le département de l’Atacora, le secrétaire général du gouvernement a abordé la question des finances publiques. Pour mettre en lumière les réalisations du gouvernement de la rupture, Édouard Ouin-Ouro a affirmé que le Bénin a connu une avancée significative en matière de gestion des finances publiques.
Selon lui, la transparence budgétaire est de mise depuis l’avènement au pouvoir du président Patrice Talon, qui, selon ses dires, fait preuve d’une grande rigueur dans la gestion des finances publiques. “En 2015, parlant justement de cette transparence budgétaire, nous étions avant-derniers au niveau des pays francophones. Avec la rigueur que nous avons imprimée dans la gestion des finances de l’État, nous sommes aujourd’hui premiers de l’Afrique francophone et deuxièmes de toute l’Afrique, c’est-à-dire, y compris les pays anglophones. C’est le résultat de la gestion saine et rigoureuse des finances publiques,” a déclaré le secrétaire général du gouvernement. Une déclaration qui porte à croire que tout est rose en termes de bonne gouvernance, ce qui semble être en contradiction avec les réalités dans le pays.
En effet, l’un des principes de la bonne gouvernance est la transparence. La transparence budgétaire se définit comme le fait de faire pleinement connaître, en temps opportun et de façon systématique, l’ensemble des informations budgétaires. En référence à cette définition, les citoyens d’un pays devraient être informés de l’utilisation judicieuse de leurs ressources.
Dans ce Bénin, présenté comme le premier pays de l’Afrique francophone en termes de gestion des finances publiques où la transparence budgétaire est censée faire école, le salaire des ministres reste depuis 2016 un sujet tabou. Aucun Béninois n’est en mesure de dire avec certitude combien perçoit aujourd’hui un ministre du gouvernement du président Talon. D’ailleurs, aucun décret n’a été pris à cet effet depuis maintenant huit ans.
En 2018, dans sa Décision DCC 18-045 du 20 février 2018, la Cour constitutionnelle avait indiqué que le gouvernement n’a pas donné une suite favorable à sa demande de transmission des fiches de paie des ministres. Cette requête, traitée par la haute juridiction, avait été formulée suite aux rumeurs selon lesquelles un des ministres de Patrice Talon avait un salaire de 16 millions de francs cfa. Plus tard, lors d’une rencontre avec des syndicalistes, le président de la République a démenti cette rumeur, en affirmant qu’aucun ministre ne percevait 16 millions de francs cfa dans son gouvernement. Cependant, il n’avait pas communiqué les salaires pour étayer son démenti.
Un autre indicateur de la bonne gouvernance est la maîtrise de la corruption. Selon le secrétaire général du gouvernement, la rigueur imprimée dans la gestion des finances publiques au sommet de l’État a réduit drastiquement la corruption, notamment grâce à l’informatisation des services publics, du Trésor, des Douanes et des Impôts. Pourtant, des détournements notables et des faits de corruption sont toujours d’actualité. La traçabilité et l’informatisation des services publics n’ont malheureusement pas empêché la disparition de milliards de nos francs cfa de la Direction générale des impôts, dont le présumé auteur serait l’ex-régisseur de la Dgi Carlos Adohouannon. Et d’ailleurs, aucune suite n’a été donnée à ce dossier jusqu’à ce jour.
Avec tous ces indices qui viennent contredire les propos du secrétaire général du gouvernement, Édouard Ouin-Ouro, la question de la transparence budgétaire et de la bonne gouvernance demeure une préoccupation majeure pour le développement économique durable des gouvernants actuels et futurs.
Anselme ORICHA