La lauréate du Prix des Ecrivains Humanistes édition 2023, Sylvia Moussiliatou Amadou, 27 ans, n’est pas arrivée là par hasard. La passion pour l’écriture, elle l’a chopée très tôt. Déjà à 17 ans, elle remporte son premier prix grâce à sa nouvelle : « L’implacable destin ». Enfant solitaire, écrire a toujours été pour elle un exutoire, un moyen d’expression. Auteure d’un roman (Un amour inoxydable sorti en 2019), Sylvia est une écrivaine polyvalente et engagée. Dans cet entretien exclusif accordé à Le Parakois, elle nous emmène découvrir son univers.
Le Parakois : Qu’est-ce qu’on se dit après avoir décroché un tel prix ?
Sylvia M. Amadou : Je suis reconnaissante d’avoir remporté ce trophée. Parmi les 30 candidats qu’on était j’ai rencontré de belles plumes qui m’ont marqué positivement. La compétition était serrée alors il y a de quoi être heureux.
Votre conte, « La colère des Bouns » porte sur l’environnement et la sauvegarde de notre planète. Pourquoi avoir choisi ce sujet précisément ?
A la base, il fallait écrire sur la promotion des objectifs de développement durable. Le 16 sur la protection de l’environnement et de la biodiversité a retenu mon attention à cause de l’état actuel de l’environnement au niveau mondial. Non seulement ça je suis une grande amoureuse de la nature. Si vous connaissez l’Atacora où j’ai grandi vous comprendrez mieux. Nul ne peut rester insensible face à la beauté des arbres, des montagnes, des petits ponts d’eaux, aux chants des oiseaux.C’est donc une manière de dire mère nature on pense à toi.
Vous définissez-vous comme étant une écrivaine écologiste ou c’était juste pour le concours ?
Sourire. Je ne dirais pas écrivaine écologiste, mais écrivaine engagée. Ma plume est comme la bouche du peuple. Aujourd’hui, je parle environnement ; demain, ça peut être les violences basées sur le genre, droit des enfants, éducation. Bref, tous les sujets de la société que je juge importants pour moi et qui répondent à mes convictions personnelles.
D’où tirez-vous votre inspiration ?
Mon inspiration, je la tire de la vie de tous les jours. Mes lectures, mes conversations avec les autres, ce que j’observe et aussi de mon imaginaire. J’avoue que j’aime beaucoup écouter les autres et je me donne aussi le droit de rêver.
L’amour pour l’écriture est parti d’où ?
J’ai commencé à écrire trop tôt. C’est parce que je ne sais pas mettre un mot sur ce que je ressens. Quand je parle j’ai l’impression de ne pas assez exprimer les choses. Enfant solitaire, je confie tout à ma plume. Je me dis en écrivant chaque mot est à sa place. Et l’appétit venant en mangeant j’ai continué à écrire. Mais là toute première compétition est celle de la francophonie organisée à Natitingou (ville située à plus de 500 kilomètres au nord-ouest du Bénin, ndlr) alors que j’étais en première ou terminale. Je finis troisième avec ma nouvelle : « L’implacable destin ». Pour dire qu’on peut quitter de la troisième place au trophée avec de la persévérance. J’étais comme une fille qui apprenait à marcher et là chaque jour je crois que mes pas prennent de l’assurance.
Vous avez remporté deux prix avec des contes. Serait-ce votre genre de prédilection ?
Sourire. Le conte fait partie des genres littéraires que j’affectionne particulièrement. Parce que cela donne une certaine liberté. On peut y donner vie à tout ce qui existe sur terre : les animaux, les arbres, le vent. Le vent qui murmure, la mer qui rugit tel un lion, les arbres qui pleurent. C’est juste magnifique.
A l’ère des réseaux sociaux, pensez-vous que le conte soit encore un genre réceptif par les lecteurs ?
Bien utilisés les réseaux sociaux peuvent devenir un moyen de faire connaître le conte. On est bien d’accord que plus personne ne reste le soir autour de la petite lampe à pétrole pour écouter grand père ou grand-mère raconter une histoire. Alors qu’aujourd’hui les gens vont sur TikTok, le conteur peut se retrouver sur TikTok. S’il travaille bien son discours, il sera écouté. Car, le conte est le genre de l’oralité, de l’émotion, de la créativité. C’est comme avec un potier.
Vous mettez beaucoup en valeur la culture baatonu et le barutem dans vos écrits par exemple dans ce conte vous avez des personnages comme le Sinaboko, le Sinadoumwirou. Que représente le Baatonum pour vous ?
Le barutem et moi c’est une longue histoire d’amour. Le barutem coule dans mes veines. Ce peuple de princes de princesses mais tellement humble et humain dont l’héritage est encore gardé par le Sinaboko (empereur en Baatonum) et sa cour. En passant, longue vie à l’Empereur ! J’en fais partie. Et il est temps qu’on sorte de l’ombre. Autant les autres peuples parlent de leur héritage culturel autant nous sommes restés longtemps muets. Alors j’en fais une cause qui me tient à cœur.
Quels conseils à toute personne qui désire écrire notamment aux jeunes filles ?
Les filles lancez-vous. N’attendez pas d’être bons. Chaque personne a beaucoup à dire. A défaut de parler, il faut écrire. Laissez-vous emporter par la transe et l’impression de l’année que donne l’écriture. Je leur dirai aussi de se détacher un tout petit peu des réseaux sociaux pour apprendre à s’ennuyer et à imaginer.
Parlez-nous de ce concours.
Alors ce concours a été organisé par l’Association Écrivains Humanistes du Bénin avec l’appui technique du Lab’ICC dans le cadre du programme : Conte-moi l’Afrique. L’objectif est d’identifier, révéler et lancer la carrière de jeunes talents littéraires régionaux dans la dynamique de préparer une relève littéraire africaine et de permettre à la littérature africaine de rayonner au niveau international. Cette année (2023 ndlr), on a décidé d’écrire en faveur des ODD. Sur 30 candidats issus de la sous-région, nous sommes trois Béninois à avoir remporté les prix. Moi, le premier prix donnant droit à un bon d’édition de 500 000 FCFA et un trophée et les deux autres des bons d’édition de 250 000 FCFA.
Vos projets d’avenir ?
Mon projet à court terme c’est déjà de pouvoir sortir mon prochain ouvrage. Je ne sais pas encore le format que je veux mais ça sera peut-être un recueil de conte pour continuer dans la logique du conte, un recueil de nouvel ou un roman. Vous le saurez assez tôt. A long terme, rencontrer des personnes passionnées d’écriture pour un partage d’expérience. Et, qui sait, de nouveaux projets pour votre plaisir.
Est-ce que vous aspirez à vivre de votre plume ?
J’espère un jour que ma plume me fera vivre. Pourquoi pas ?
Y a-t-il des moments précis où vous écrivez ?
Moi j’écris quand je suis triste, joyeuse, émue. Il n’y a pas de moment. C’est une part de moi. Mais je dirais avec mes études actuellement c’est compliqué mais je trouve toujours du temps pour écrire. Mon espace pour écrire c’est mon calepin et couché sur le sol à plat ventre. Je peux rester ainsi toute une journée si c’était possible. Je suis dans une sorte de transe, de monde imaginaire mais qui est super.
Propos recueillis par Faradj Ali Yarou