L’amoureux de la culture Dino Renaud Adohoueto dans ce numéro rend un hommage aux acteurs culturels de la ville de Parakou. Dans une publication sur sa page facebook, Dino nous parle de Ferry Finagnon, Patrick Ruffino, des frères Amouramou, des frères Quenum…
L’intégralité de sa publication de ce jour 25 juillet 2023.
Ferry Finagnon vivait au sud avec sa maman, quand en classe de 6ème, son oncle Mr Salomon l’a ramené à Parakou au début des années 80 où il a commencé le Lycée Mathieu Bouké (LMB). Ferry faisait partie de l’orchestre du LMB, les Blacks Davis, où il y avait aussi Richard da Silveira, Charles Bakindé, les frères Assouramou, Euloge et Gabin, Sramag Joli cœur, Edjèkpoto Charlemangne, Albéric Samson qui interprétait.
Ferry, le guitariste, mais qui joue de presque tout, était un chanteur à ses débuts. Il interprétait à merveille les chansons de Sagbohan Danialou, son artiste préféré. La voix est toujours là.
Deux ans après l’arrivée de Ferry au LMB, Les Blacks Davis avaient une tournée dans le nord. Monsieur Salomon était en voyage. Quand il a appelé, Ferry lui a parlé de la tournée. Et pour le boss, il n’en était pas question. Ferry était un élément essentiel de l’orchestre. Il ne pouvait pas rater cette tournée. Il est parti avec son orchestre du côté de Kandi et Malanville. Son oncle est rentré le dimanche soir et n’a pas vu Ferry qui n’était revenu que le lundi. Monsieur Salomon n'était pas content.
Après cet incident, Ferry a compris qu’il ne pouvait pas évoluer dans la musique comme il le voudrait en restant sous le contrôle de son oncle. Peu de temps après, il a profité des vacances pour quitter la maison sans rien dire. Son oncle a commencé par le chercher, et un vieux du quartier du nom de Codjo qui voyait Ferry chez les Frères Assouramou est allé voir Monsieur Salomon pour lui dire là où Ferry habitait en donnant tous les gages de sécurité et de bonnes dispositions de madame Saillard Blandine, la maman des frères Assouramou, une métisse Franco Beninoise qui est retournée vivre en France. Elle travaillait à la BCEAO. Ils habitaient le même quartier que nous, mais du côté de Las Palmas KMT. Ferry logeait désormais chez ses amis.
A l’approche de la rentrée scolaire, alors que Ferry n’avait plus mis pied chez son oncle depuis sa fugue, il est venu lui demander l’argent de la scolarité, de fournitures, de kaki et d’autres choses. Son oncle lui a remis tout ce qu’il fallait sans faire cas de l’incident précédent. Le boss continuait par prendre en charge toutes ses dépenses. Pour la musique, Ferry avait pris un risque et ça lui permettait désormais de se donner à sa passion comme il voulait.
Les Black Davis étaient sollicités lors des fêtes et aussi dans les églises. Mais, puisque c’était un orchestre de l’école, ils n’avaient pas assez de marge de manœuvre les week-ends. Bien que faisant toujours partie des Blacks Davis, les frères Assouramou, les frères Quenum, André (Paix à son âme), Alfred, Richard (paix à son âme), Darius, Alain Adiklès, Assane Odoundé et d’autres ont décidé de former un orchestre en dehors des Blacks Davis. Le nouvel orchestre de la ville s’appelait les SAM 11. C’était en 1983. Pour avoir les instruments, ils étaient allés solliciter le directeur de la BCEAO de l’époque, le regretté LAWANI Raouf, un papa très bien qui a marqué son passage ici à Parakou, qui leur avait permis d’avoir un prêt. Les SAM11 avaient un succès phénoménal. Ferry était le plus jeune du groupe.
En 1991, l’orchestre de SK PUNTO avait quitté Niamey pour venir jouer à Parakou. Ils avaient été amenés par Alain Coquelin, (Paix à son âme). Son fils Mathieu Coquelin qui était aussi à Parakou est retourné vivre en Bourgogne en France. Les SAM 11 avaient été invités à faire la première partie de l’orchestre de SK PUNTO. Ayant vu la qualité des musiciens des SAM11 qui étaient d’un niveau excellent, les responsables de l’orchestre de SK PUNTO ont commencé par dénicher des éléments des SAM11. Les quatre frères Quenum et les frères Assouramou, quant à eux ont répondu aux sirènes du bord de mer et sont allés s’installer à Cotonou. Ferry lui, n’a pas bougé. Mais SAM 11 est vidé de son effectif.
Il y avait du côté de Banikanni, un autre orchestre appelé LOS BRAVOS. C’était l’orchestre de Patrick Ruffino, Médard Messah, Mickael Avahoui, Gérard Whannou et les autres. Pendant que SAM11 perdait des membres, certains musiciens des LOS BRAVOS rejoignaient également Cotonou. Ferry prend sur lui alors de fusionner le reste des SAM11 et de LOS BRAVOS, appuyés par d’autres musiciens pour former un nouvel orchestre appelé MUSIC TIME. Joka (Soyoyo décalé) était à la guitare basse. Après son départ pour Cotonou, Whannou Gérard l’a remplacé au sein de MUSIC TIME. Eric Sant’Anna était au saxophone. Au micro, nous avions Aboudou Aboubakari, excellent chanteur, grand spécialiste du tchatcho qu’il exécutait à merveille. Majuscule et Erckman Tansi faisaient également partie des MUSIC TIME en tant que chanteurs.
Ferry est un passionné de musique, et il a choisi d’en faire son métier. En effet, en 1990, Ferry faisait partie des premiers apprenants de Don Bosco qui après trois ans de formation venaient d’obtenir leur diplôme en Mécanique Industrielle. Dans le même temps, Mr Martin Loïc, promoteur de « So what », installait un atelier informatique au CCF de Parakou (aujourd’hui Institut Français) pour une formation en Musique Assistée par Ordinateur (MAO). Contrairement à ses autres collègues de don Bosco qui ont continué en Mécanique Industrielle, Ferry a préféré acquérir plus de connaissances en musique, délaissant ainsi la Mécanique Industrielle. Pendant 3 ans il a appris la MAO qui consiste à créer de la musique en utilisant des synthétiseurs virtuels, des boîtes à rythme et des effets. Cela permet également de créer ses propres sons en quelques minutes et de les manipuler selon ses inspirations. Ferry est aussi reconnu pour sa maîtrise de la théorie musicale. Il ne fait pas que jouer aux instruments. Il sait lire le solfège et les fiches de musique.
En 1995, Ferry Finagnon eut l’idée de créer Cri de Noël. La première édition de 1995 avait juste été un ballon d’essai. L’année d’après, Ferry Finagnon a mieux structuré l’évènement et a présenté le projet à son oncle qui a financé l’édition 1996. Rendez-vous est ainsi pris pour chaque année.
Pour l’édition 1997, son oncle n’est plus là. Mais Cri de Noël ne s’arrêtera pas. Ferry encadre des enfants de son club Music Junior toute l’année et du 20 au 30 décembre ils mènent des activités. Les petits de Ferry Finagnon vont dans des pédiatries pour chanter aux enfants malades et Ferry les accompagne avec sa guitare acoustique. Ils en profitent pour offrir des jouets aux enfants malades. Le clou de l’évènement Cri de Noël se passe le 25 Décembre. L’institut Français est rempli de monde. Les poulains de Ferry enchantent le public avec des comptines, des ballets traditionnels, de la chorégraphie, des contes, des histoires drôles, et le père Noël distribue des jouets aux enfants.
Janvier 2013, Ferry Finagnon a eu un grave accident de circulation. Ses membres inférieurs sont touchés. Il est immobilisé pendant de longs mois. Les os se ressoudent tout doucement et en Novembre 2013 Ferry peut finalement se déplacer, mais avec des béquilles. Il s’est alors lancé dans un défi fou qui est de réunir ses enfants afin que Cri de Noel tienne. Malgré qu’il se déplaçât difficilement, Ferry Finagnon a tenu son pari. Et c’est avec ses béquilles qu’on le voyait bouger sur scène. Quelle passion !
Nous sommes en 2017. Les temps sont durs. Déjà que Caravane Cri de Noël n’a plus le soutien spontané des sponsors qui se sont considérablement réduits, une rumeur de fermeture de l’Institut Français le jour de Noël vient sonner le glas de l’évènement. Après 20 éditions sans discontinuer, Cri de Noël s’arrête en 2017.
Ferry lui se donne toujours à sa passion-métier. Il fait des animations gratuites dans les écoles primaires de la ville de Parakou. Aussi, dans le cadre du projet classe culturelle, il se rend au CEG Bembèrèkè tous les mercredis et vendredis de 15h à 18h. Pour ne pas être en retard à son cours de Bembèrèkè à 15h, il quitte Banikanni à midi et il revient le soir. C’est également lui qui encadre le groupe de musique Kabiessi constitué uniquement de femmes. Il a aussi un petit atelier où il donne des cours de musique aux enfants et aussi aux adultes.
Ferry est un homme de principes, rigoureux, bosseur, intègre. C’est un homme bien. Tout le monde en témoigne.
Au-delà de Ferry Finagnon, nous pensons qu’il faut honorer toutes ces braves personnes qui se sont distinguées ou qui continuent de faire des merveilles avec des preuves indéniables dans un domaine ou un autre.
Ferry a pour projets d’avoir un plus grand centre où il pourra enseigner la musique aux enfants dans de bonnes conditions et former une relève de qualité. Son atelier de 13 mètres carrés est trop petit. Pour cela, il est obligé de multiplier les cours en petits nombres. Il aimerait bien monter également un studio de musique. Les instruments aussi manquent. Il a de bonnes idées et les compétences requises. Mais les moyens lui font défaut.
Nous savons que nous avons dans le pays des gens de bonne volonté. Nous pensons par exemple au ministre de la culture, Monsieur Abimbola, l’indéboulonnable. Il y a également le ministre Homeky, un exemple pour la jeunesse. Nous ne saurions oublier de citer dans cette liste le ministre de Parakou, Samou Séidou Adambi, l’incontournable. L’atelier de Ferry est situé à Banikanni, non loin des résidences ASK de El Hadj Arouna Salifou Kamilou, du nom d’un autre bienfaiteur..
Dino Renaud ADOHOUETO
Téléphone 41 77 77 71