La nouvelle est tombée comme un coup de massue. Yarou Diguidirou, icône de la musique traditionnelle béninoise est décédé mercredi 21 juin 2023 à Gnanhou, à Nikki dans le nord-est du Bénin. Il était âgé d’au moins 88 ans. Chanteur, conteur, historien et maitre incontesté de la parole, il a porté le flambeau de la musique traditionnelle baatonu pendant plus de 60 ans. Ses chansons, remplies de sagesses, ont bercé plusieurs générations. Yarou Diguidirou était un virtuose. Ses instruments de prédilection étaient sa voix et surtout le « Monronkou », une guitare traditionnelle baatonu. Il est, à la vérité, l’un des derniers de sa génération à jouer cet instrument. Il en a une maitrise totale. Selon nos informations, il est né à Diguidirou à Pèrèrè. Né Gounou Yarou, il prendra comme nom d’artiste Yarou Diguidirou pour témoigner son attachement à son village natal. Originaire de Daroukpara à Nikki, il est Wassangari de la dynastie des Séssi Makararou. Artiste hors pair, son talent et la qualité de ses œuvres lui ont valu le prix du meilleur artiste chanteur du Bénin au festival national des arts et cultures du Bénin en 1981. Le jour de son décès, son biographe, Bio Koudous Bandiri a été interrogé par Deeman TV que nous rapportons intégralement :
« J’ai personnellement connu l’artiste Yarou Diguidirou par l’intermédiaire de son petit-fils Abibou. C’est lui qui nous a mis en contact. Très tôt, je me suis dit, que pour nous, c’était un devoir moral de lui rendre hommage avant sa disparition qui est tristement venu ce matin (21 juin, ndlr). J’ai donc effectué plusieurs voyages sur Gnanhoun, le village où il habitait. C’est ainsi que l’œuvre est née et est intitulée Yarou Diguidirou : vie et œuvre d’un musicien traditionnel africain hors du commun.
Ce sont les albums personnels de Yarou Diguidirou lui-même qui m’ont permis d’avoir ces archives là parce qu’il a un album photos personnel dans lequel il a essayé de mettre toutes les photos depuis qu’il a commencé la musique. Ses débuts dans la musique remontent aux années 60, puisque selon les documents que nous avons reçus de sa part, il serait né vers 1935. Son nom à l’état civil, c’est Gounou Yarou. Yarou Diguidirou c’est son nom d’enfance puisqu’il est né à Diguidirou mais il est de Daroukpara dans la commune de Nikki.
C’est un autodidacte, personne ne lui a appris à jouer le « Monronkou ». Il observait simplement l’un de ses oncles jouer l’instrument et il appris comme ça. A un moment donné, cet oncle à qui il n’osait pas poser de questions parce-que c’était pratiquement un interdit de se rapprocher d’une personne âgée et lui demander comment ça se joue, il a constaté que Diguidirou l’observait souvent. Donc l’oncle a décidé de lui fabriquer trois « Monronkou ». Il l’a appelé et lui a dit : j’ai constaté que tu m’observes attentivement chaque fois et je pressens que cet instrument fera de toi quelqu’un demain. Pour cela, je te donne ces instruments, prends-les.
Plutôt que de garder ces instruments, il a appelé les enfants de cet oncle. Il leur dit : voilà ce que mon oncle m’a donné, prenez un chacun. Les deux cousins prennent chacun un instrument et lui laissent le dernier qu’il a dénommé « Gonrikiré » c’est-à-dire la volonté du cœur en Baatonu ».
Le « Monronkou » est une guitare a trois cordes. Yarou Diguidirou a été inhumé à Gnanhoun à Nikki le même jour. Il est marié et père de 13 enfants.
Célin Dossoumon & Faradj ALI YAROU