MTN est aux prises depuis septembre 2022 avec le milliardaire Baba Danpullo, qui a lancé une procédure de saisie sur ses comptes au Cameroun en réplique à celle de ses avoirs en Afrique du Sud.
L’opérateur téléphonique sud-africain a enclenché un lobbying musclé auprès de la présidence pour débloquer la situation.
L’opérateur téléphonique MTN Cameroun, filiale du groupe sud-africain éponyme, s’apprête à saisir les autorités camerounaises. Il doit faire parvenir d’ici à cet été une correspondance d’une dizaine de pages à la primature, à la présidence et au ministère de la justice, afin de présenter ses arguments dans le conflit judiciaire qui l’oppose au milliardaire Baba Ahmadou Danpullo. La directrice générale de la société, Mitwa Ng’ambi, avait par ailleurs déjà fait parvenir la semaine dernière une copie informelle de son argumentation à Jean-Claude Ayem Moger, l’incontournable conseiller économique de Paul Biya et expert des dossiers les plus sensibles (AI du 23/01/23).
En septembre 2022, le milliardaire issu de la communauté peule de l’Extrême-Nord a obtenu du tribunal de Douala une procédure de saisie des comptes bancaires de plusieurs sociétés camerounaises, dont MTN Cameroun, Chococam et Mobile Money Corp, qu’il estime appartenir au fonds du gestionnaire sud-africain d’actifs Public Investment Corp. Baba Danpullo leur réclame plus de 257 milliards de francs CFA (425 millions de dollars).
Déboires sud-africains
Il s’agit d’une contre-offensive à la saisie de ses propres fonds en Afrique du Sud, en 2021. La société sud-africaine du tycoon camerounais, Bestinver, a été placée en liquidation judiciaire par la justice sud-africaine en juin 2021 et une partie de ses actifs – immobilier et comptes bancaires – ont été vendus et saisis par la Firstrand Bank (FRB), dont l’un des actionnaires est la Public Investment Corp (16 %). Bestinver devait 548 milliards de rands (28,4 millions de dollars) à la banque.
L’argumentaire d’une dizaine de pages développé par la direction de MTN, qui a envoyé en février un émissaire à Pretoria afin de récolter des informations sur place, remet en cause la version présentée au Cameroun par Baba Danpullo sur ses déboires sud-africains. MTN conteste, entre autres, la valeur de ses actifs immobiliers (250 milliards de francs CFA selon Danpullo, 61 milliards selon les estimations de FRB) ; il estime que Danpullo ne peut procéder à des saisies au nom de Bestinver puisque celui-ci est en liquidation, et il rappelle enfin que Danpullo lui-même a admis, dans une déposition devant la justice sud-africaine le 9 mars 2021, avoir accumulé des échéances impayées avec sa société.
Nouveau front politique
Si MTN a bien répliqué sur le front judiciaire via des référés, toujours à l’étude depuis sept mois, et par deux requêtes – une d’autorisation de prise à partie contre le juge du tribunal d’instance de Douala, Quentin Djapité Ndoumbe, et une autre demandant le dépaysement à Yaoundé -, elle considère celles-ci comme inefficaces face au poids politique du milliardaire.
Baba Danpullo était en effet un proche de l’ancienne première dame, Jeanne-Irène Biya, décédée en 1992, ce qui lui a permis de tisser un réseau étroit au plus haut sommet de l’Etat. Il est par ailleurs l’un des principaux donateurs du parti présidentiel du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
Le conseil de MTN, David Etah Akoh, envisage également une poursuite devant la cour d’arbitrage de l’ Ohada, basée à Abidjan.
Source : Afrique intelligent