La communauté internationale célèbre ce jour 8 mars, la 46è édition de la journée internationale des droits des femmes. Officialisée en 1977 par les Nations unies, cette journée dont l’objectif est de défendre les avancées des droits de la gente féminine chaque 8 mars, repose sur le thème « Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes». A cette occasion, pour mieux cerner les contours de ce thème, Carole Monique Agoua, Communicatrice en genre a répondu aux préoccupations de la Rédaction de LeParakois. C’est à travers l’entretien dont en voici l’intégralité.
Madame Carole Monique Agoua, vous êtes Communicatrice en genre. « Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes », c’est le thème de l’édition de 2023. Que faut-il y comprendre?
Le thème de cette année, ”Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes” ramène et repose encore la question de l’inégalité d’ accès des filles et des femmes aux technologies notamment au digital et nous invite à utiliser les innovations et la technologie non pas pour accroître le fosset des inégalités entre les hommes et les femmes mais plutôt pour connecter les femmes aux ressources et aux opportunités qu’offre le monde du digital ; bien évidemment, le monde du digital comme les autres secteurs ne sont pas assez ouverts aux femmes en terme d’opportunités, en terme de métier, en terme de connexion, en terme d’ apprentissage et le terme de cette année vient nous appeler à travailler, à œuvrer plus pour assurer aux filles une éducation en matière de technologie digitale ; ouvrir le monde et les professions du digital aux filles et aux femmes, mais aussi protéger les filles et les femmes contre toutes les formes de violence numérique dont elles sont majoritairement victimes ; assurer la protection de leurs données personnelles et leur garantir une utilisation optimal des innovations technologiques.
La pandémies de COVID 19 a révélé la nécessaire utilisation ou plutôt le digital s’ est imposé dans notre quotidien. Malheureusement les filles et les femmes n’ en profitent pas autant que les hommes alors qu’elles en ont besoin. On peut utiliser les innovations technologiques pour protéger la santé sexuelle et reproduction, la santé mentale des filles et des femmes pour mettre en place des systèmes d’alertes contre la violence dont elles sont victimes et pour leur prise en charge, pour leur ouvrir des opportunités à des métiers du futur aussi.
En quoi l’inclusion digitale contribuera à régler les inégalités sociales basées sur le genre?
Nos vies dépendent de plus en plus de notre intégration au monde digital ; laisser pour compte les filles et les femmes dans ce contexte c’est augmenter les inégalités de genre d’où la nécessité de promouvoir à travers l’éducation, l’inclusion digitale des filles et des femmes. La fracture numérique entre homme et femme est grande au détriment des femmes alors que le numérique est devenu un outil puissant de développement. Si l’on ne tient pas compte des femmes, si l’on associe pas les femmes, si l’on ne permet pas aux femmes de contribuer, de porter ; si la voix des femmes n est pas prise en compte aujourd’hui dans les innovations technologiques, bien évidemment ce sera fait pas avec elles donc se serait forcément contre elles. C est un secteur très porteur qui s” est imposé à tout le monde, qu’on soit des communautés avancées ou moins avancées ; avec la pandémie du COVID 19, c est devenu incontournable, les habitudes ont changé. Mais comment sont restées les filles et les femmes ? Exclues! Lorsque nous parlons des filles et des femmes, ne pensez pas uniquement à l élite qui est scolarisée. Exclues dans tous les métiers que génère le numérique, elles sont majoritairement victimes de la violence numérique. L’inclusion digitale va permettre de réduire la fracture sociale, la fracture économique entre les filles, les femmes et les autres membres de la société. Prenons un exemple banal : pour qu’une femme ait dans certains milieux un téléphone portable , cela reste une décision du mari et à ce niveau encore il y a un désir de contrôle qui s exerce sur le portable de la femme. Aujourd’hui nous voulons passer à l économie numérique, à la finance digitale ; qu’est-ce qui se passe à ce niveau aussi? Les comptes Mobile money sont au nom du mari, c est lui qui détient le code, quand il se fâche il bloque le téléphone. Ou bien l’avoir de la femme vient et comme elle est illettrée, c est lui qui a le code, c est lui qui veut gérer l avoir de la femme. Tout ce qui est relatif à la technologie, on trouve les femmes à quel niveau?
L’inclusion digitale va permettre donc de raccourcir les fractures sociales et les inégalités et permettra d accroître l équité entre les hommes et les femmes.
Quels peuvent être les préalables à régler pour y arriver ?
En ce qui concerne les préalables, c est déjà au niveau de l éducation qu’il faut s’y prendre. C’ est déjà baliser le terrain au niveau législatif. Je prends simplement l exemple de la Protection des données à caractère personnel, je prends la divulgation des données d’une personne sans sa volonté, je prends la lutte contre les violences. Il faut une éducation ; il faut ouvrir les métiers de la science et de la technologie à plus de filles et de femmes, on ne les oriente plus ailleurs. Il faut leur ouvrir ces portes là. Voilà pour moi les préalables qui sont donc d’ordres politique, législatifs et éducationnels.
Madame Carole Monique Agoua, votre message pour finir
Je tiens à vous remercier pour le choix porté sur ma personne en cette journée de la femme.
Je suis un peu choquée et peinée par un phénomène rendu possible grâce à la technologie, au digital. C est le phénomène des influenceuses. Ne pas en parler en cette journée dédiée aux femmes serait dommage.
Influenceuses!!! Elles influencent qui? Dans notre société comme dans toutes les autres sociétés, la jeunesse a besoin de modèles ; les jeunes filles ont besoin de modèles ; on ne peut suivre, on ne peut imiter que des modèles. Si nous ne faisons pas la promotion des femmes de vertus, des femmes leaders, si nous ne faisons pas de l éducation à la vie une priorité, nous éduquons nos filles à réussir dans les études mais nous ne les préparons pas à la vie. Nous ne leur donnons pas une éducation qui leur permet de faire face à la société phallocrate dans laquelle elles sont appelées à vivre en tant que femme et bien évidemment d’autres dites “influenceuses” s’octroient ce rôle là. Et celles là qui s octroient ce rôle, quelles sont les valeurs qu’elles sont en train de promouvoir ? Là, je crois qu’il y a une faille, une démission parentale qui fait que la vertu aujourd’hui dans notre société est tournée en dérision et le vice est promu. Inconsciemment, nous toutes et nous tous, en partageant ces vidéos de ces dites influenceuses, en relayant leurs messages sur les réseaux sociaux nous contribuons à asseoir malheureusement cette tendance au vice, nous avons contribué à applaudir le vice plutôt que la vertu. Vous savez que le monde des réseaux sociaux puisque nous parlons du digital, il fait plus de tort, plus de mal aux femmes que de biens. La nudité d un homme, ça n attire le regard de personne. Publiez une vidéo sur des conseils de vie, d’hygiène ou de santé, c est à peine que cela va attirer l attention de quelques personnes. Mais publiez une vidéo avec la nudité d une jeune femme, elle devient aussitôt virale. Voilà la société dans laquelle nous nous trouvons. Une forme d injustice envers les filles et les femmes qu’il faut qu’absolument en tant que femme, vectrice d éducation et de vie, nous soyons les garantes de la vertus avec les hommes pour éviter la dérive dans nos sociétés.
Nos filles ont besoin de modèles. Faisons la promotion des filles et des femmes de valeur et vous verrez que spontanément, ces vicieuses vont disparaître de la planète. C est une diversion faites parce que filles et femmes ont plus de priorités que de rester là à applaudir le vice. Nous savons où sont nos défis ; nous devons rester concentrées et focus sur nos défis à relever et non pas donner l’occasion à ce genre de déviance morale, de déchéance sociétale.
Madame, nous vous remercions.