Malanville, l’une des rares communes béninoises à partager plusieurs frontières avec des pays voisins notamment le Niger et le Nigéria, est confrontée à un réel problème de développement. Mis à part la problématique question d’assainissement, un défi commun à presque toutes les communes du pays, la grande cité commerciale du Nord Bénin est tourmentée par un déficit criant en énergie électrique. Si la situation comparable à un blackout semble être le quotidien des habitants, cela n’est pas sans conséquences sur leurs activités ; ceci en contradiction avec les déclarations du Président Patrice Talon qui, à Paris, vantait l’autosuffisance énergétique du Bénin face aux investisseurs français.
11 heures 15 minutes ce lundi 17 octobre 2022, Aline la trentaine, en sueur devant sa boutique de divers, confie qu’elle ne vend plus les produits congelés. « Je vendais du poisson, des ailerons et … mais depuis peu, j’ai cessé. Depuis que mon groupe électrogène est tombé en panne » fait-elle savoir. Selon notre interlocutrice rencontrée en plein cœur de Malanville, quartier Tassi Zénon, l’indisponibilité à plein temps de l’énergie électrique de la Société Béninoise d’Energie Electrique est à la base d’une telle situation. A l’en croire tous les produits pourrissent faute du courant. « Quand la Sbee coupe le matin, si vous avez de la chance, vous pouvez retrouver l’énergie à 17 heures » témoigne Aline. Elle sera renchérie par Adamou, un soudeur de profession devenu conducteur de taxi-moto ”Kabo-kabo”. « Je ne pouvais pas rester tous les jours sans rien faire, puisque le courant n’est pas disponible pour mettre en marche mes équipements pour travailler », dit-il en langue Yom (langue majoritairement parlée dans la Donga notamment Djougou et les environs.
Sur la liste de nos interlocuteurs, Ilabouzé, un habitant du quartier Banizoumbou, rencontré dans la matinée de ce samedi 15 octobre. Le quinquagénaire approximatif expose ses difficultés à communiquer avec ses proches. « Cela fait au moins deux jours successivement que je n’ai pas la possibilité de recharger mon téléphone portable, depuis que la grande pluie est tombée [dans la soirée du jeudi 13]. Actuellement mes proches qui voudraient me joindre ne parviendront pas » se lamente-t-il.
Un véritable manque à gagner pour les artisans
Le manque d’énergie électrique a affaibli les activités économiques de certains Malanvillois. C’est le cas de Aline. « J’ai fait un manquant de plus de 100 000 francs Cfa dans le mois de septembre [2022]. Tout le contenu de mon congélateur n’était bon que pour la poubelle. Ça a pourri. A qui est-ce que je dois vendre de la pourriture pour qu’on me dise que j’ai tué quelqu’un ? », lâche-t-elle avant d’exprimer son incompréhension sur la fourniture du courant à Malanville. « Là où j’étais [Bohicon], relève Aline au plus trente minutes après une coupure, vous êtes sûrs d’avoir le courant ». Boladji, un coiffeur de moins de trente ans, dit avoir pris ses dispositions. « Ce n’est pas nouveau, la coupure de courant à Malanville. Donc, moi j’ai trois tondeuses rechargeables. Avec une tondeuse bien chargée, je suis sûr que je peux satisfaire cinq clients au moins. Le souci chez moi, c’est la chaleur. Comme je n’ai pas un groupe de relai pour mettre en marche le ventilo, certains clients ne supportent pas la chaleur et s’en vont. Ça ne m’avantage pas ». Pour Adamou, reconverti en Kabo-Kabo (l’équivalent de Zémidjan au centre et au sud du Bénin), l’indisponibilité du courant l’a poussé à quitter temporairement sa profession de soudeur à l’arc. « Je fais parfois une semaine sans pouvoir satisfaire un seul client. Déjà à 9h ou 10h le courant n’est plus disponible. Le soir, quand ça vient tout le monde se repose. Comment pourrai-je prendre soin de moi et de ma famille ? », argumente-t-il.
Malanville n’est pas un cas isolé
Selon des informations rapportées par nos confrères d’une radio à Kandi dans le même département, Alibori, la situation reste aussi préoccupante à Kandi. « Actuellement, il n’est pas possible de satisfaire votre requête. On n’a pas le courant et notre groupe électrogène est en panne », a répondu un journaliste radio sur place à la suite d’ une sollicitation. D’autres localités seraient également dans la même situation selon certaines sources. Mais, tempèrent plusieurs citoyens rencontrés, la fourniture du courant électrique s’est légèrement améliorée à Malanville. « C’est vrai qu’en période de chaleur, le débit est quasiment nul à cause des baisses de tensions, mais actuellement c’est mieux » affirme Boladji.
Une explication ?
D’après les explications des responsables locaux de la Sbee rapportés par nos confères de Sota Fm ce samedi 15 octobre dernier, l’indisponibilité du courant est liée par « les travaux » en cours sur le réseau de la société, en vue de d’accroître le débit et satisfaire un plus grand nombre d’abonnés. Le changement des isolateurs impliquerait la mise hors tension du réseau électrique. Selon les informations traitées par le média, la situation sera réglée mardi 18 octobre. Cette annonce, bien qu’elle semble prendre effet, est loin de rassurer certains Malanvillois. Faouzane, un abonné de la Sbee, résident à Boulanga en est un. Ce dernier semble non préoccupé. « Nous autres sommes habitués. Donc, ce n’est rien, c’est dans çà on vit », avance-t-il mollement.
Une réalité qui contredit Patrice Talon…
Les 29 et 30 août 2022, le Président Patrice Talon en visite en France où il a pris part à une rencontre des Entrepreneurs de France. Au cours de cette rencontre, le Chef de l’État béninois a une fois de plus présenté à la face du monde un Bénin où il fait bon vivre. Selon le locataire de la marina, le Bénin est en train de devenir ‘’l’oasis’’ où les problèmes d’éducation, de santé, etc sont en train d’être réglés à une grande vitesse. « Nous avons fini de régler les problèmes d’infrastructures portuaires, aéroportuaires, routières, énergétiques, etc. au Bénin », a-t-il vanté. Les investisseurs ont la possibilité d’avoir de l’énergie électrique de qualité avec la possibilité d’une convention sur le prix », a déclaré le président de la République rassurant qu’on peut vendre l’électricité au Bénin moins chère qu’en Chine. Ces propos du Chef de l’État s’effilochent au contact de la réalité sur le terrain. Le cas de Malanville en est une illustration. Ou alors le Bénin doit-il se limiter à la partie méridionale ? encore que Cotonou ne jouît pas aussi à plein temps de l’énergie électrique. L’affaire continue d’agiter l’opinion publique : le Centre national hospitalier universitaire, le plus ancien et le plus grand hôpital du Bénin, a enregistré le décès de quatre patients vendredi 7 octobre au service de réanimation. Ces décès ont été liés à la coupure de d’électricité de plusieurs minutes qui a eu lieu pendant l’admission des patients au service de réanimation. Cela prouve à suffisance que le gouvernement a encore du ‘‘pain sur la planche’’.