Les litiges domaniaux qui se multiplient ces dernières années au Bénin n’épargnent visiblement aucune localité. Alors qu’on évoquait dans nos précédents articles les conflits dans les communes de Tchaourou et Parakou, la situation paraît plus critique à Nikki.
En effet dans cette commune du département du Borgou, les ressortissants des départements de l’Atacora et de la Donga se sont vus déposséder d’une grande partie des terres qu’ils exploitent depuis des décennies par des supposés autochtones. Désemparés et ne sachant vraiment à quel Saint se vouer, ils sollicitent l’aide des autorités.
Il ne s’agit pas d’un cas, de deux encore moins de trois cas, mais de plusieurs situations conflictuelles. Presqu’aucun des sept arrondissements de la commune de Nikki n’est épargné. Bref, il ne fait plus bon vivre pour les ressortissants des départements de l’Atacora et de la Donga dans la cité royale. « Nous sommes des hommes souffrants. On ne dirait pas que nous sommes des béninois. Ils arrachent nos terres et disent que nous sommes des étrangers. », confie le Président de la Fédération des Associations des Ressortissants de l’Atacora et de la Donga (Farad) de NiKKi, Barthélémy Kombéto. Et le moins que l’on puisse dire est que les faits sur le terrain lui donnent raison. Dans les villages de Tasso, Goré, Deri, Angakirou, Goussounon Kperou, Gbabiré…, les dossiers de litiges domaniaux sont multiples et sont presque identiques. Les supposés autochtones Baribas ont entrepris d’arracher des terres aux ressortissants de l’Atacora et de la Donga, alors que ces derniers exploitent ces domaines depuis des décennies.
A titre illustratif, Codjo Yarigo, le premier homme de l’Atacora à s’installer à Tasso il y a 50 ans, s’est vu arracher la majorité des terrains qu’il cultive. Il n’est pas le seul, les victimes se chiffrent par centaines ou peut-être par milliers. Des centaines d’hectares de terres sont déjà arrachés laissant des familles entières dans la détresse. « La première année, ils nous ont arraché 45 hectares, la deuxième année, ils ont pris 35 hectares et puis troisième année ça dépasse 60 hectares. Nous avons réclamé, ils nous ont retourné 35. Mais jusqu’à aujourd’hui on a plus la paix pour travailler sur ce terrain.», se désole Barthélemy Moutouama, qui a déjà passé 37 ans à Kpébiré. Il sera d’ailleurs renchéri par le Président de la Farad : « Il y a parmi nous quand ils ont arraché leur terre, ils se sont déplacés pour d’autres localités. D’autres se sont en sortis avec un hectare ou un quart de terres alors qu’ils ont pas moins de dix enfants ». Les supposés propriétaires terriens ne se contentent pas seulement de récupérer les domaines. Ils détruisent aussi les cultures qu’ils retrouvent sur ces terres et brulent dans certains cas les arbres acajou plantés par les victimes.
Face à la multiplication des cas de conflits domaniaux dans la commune de Nikki, le Président de la Farad a mené certaines démarches auprès du Président du Tribunal de réconciliation de NiKKi , Adam Bana, qui n’ont pas permis de trouver une solution à la situation. Bien au contraire, Barthélemy Kombéto reproche au Président cette institution, des propos à tendances Xénophobes et ethnocentriques : “vous les somnbas, vous êtes des étrangers et vous n’avez pas amener de terre à Nikki”, lesquels ne sont pas pour calmer les esprits. Cependant, le Maire de Nikki, Roland LAFIA s’est rendu en personne dans les arrondissements afin de sensibiliser ses administrés sur l’importance d’éviter ces conflits pour maintenir la cohésion sociale et le vivre ensemble. Mais malgré le passage de l’autorité communale, rien n’a vraiment changé sur le terrain. Les victimes continuent de subir les réprimandes des supposés propriétaires terriens parfois avec la complicité de certaines autorités locales, communales et traditionnelles, ont-elles fait savoir.
L’Organisation pour la Défense des Droits de l’Homme et des Peuples (ODHP) Section Départementale du Borgou est d’ailleurs en ligne de mire ces derniers mois dans la lutte contre ces récurrents conflits qui opposent les occupants et les supposés propriétaires terriens. A Parakou comme à Tchaourou, l’organisation a saisi les autorités communales et départementales pour qu’elles agissent au plus vite afin de ramener la paix entre ces différents acteurs pour le bien de la communauté. Et c’est ce que font également les victimes : « Moi je demande au secours. Les autorités n’ont qu’à nous venir en aide pour nous sauver afin que nous puissions avoir nos terres. La souffrance est intense dans la commune de Nikki. Nous souffrons trop ! On nous dit qu’on n’a pas le droit de faire l’Adc (Attestation de Détention Coutumière). Nous sommes aussi des béninois. Ecoutez nos cris. Ça fait mal ! ça fait pitié ! », supplie le Président de la Fédération des Associations des Ressortissants de l’Atacora et de la Donga de NiKKi, Barthélemy Kombéto. Face à la situation, les victimes sollicitent la réaction du Ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale , Rafaël D. AKOTEGNON.