Si le Bénin était l’Italie, Parakou serait le Vatican, l’autorité municipale le Pape. Comme dans une sorte de République au sein d’un Etat, la cité des kobourou semble se soustraire des principes universels de bonne gouvernance dans un système de décentralisation. Prise en otage par d’influents acteurs politiques à qui rien ne semble résister, la troisième ville à statut particulier du Bénin s’est engouffrée dans une spirale de dossiers les uns complexes des autres. Dans le deuxième épisode de la série d’enquête sur les dossiers sinistres que couve la cité, LeParakois fait un zoom sur les contrats exploités sans contrepartie de la mairie aux organes de presse, la foire internationale devenue la chasse gardée d’un groupuscule, et l’autre réalité cachée de la Société d’investissement et de développement économique et sociale (Sides).
La face cachée de la Sides
Si la paradoxale assertion du “cordonnier mal chaussé” du maire a semblé ne plus faire débat avec la Sides, il reste encore secret pour l’opinion une inadmissible situation. LeParakois a enquêté et les recoupements révèlent plusieurs mois d’impayés pour les travailleurs de la société.
Les conducteurs des engins de la Sides sont sans salaire depuis plusieurs mois. 24 mois pour certains, 12 pour d’autres selon leur ancienneté, les agents sont sans rémunération, en violation du contrat signé. «J’ai vendu deux de mes trois parcelles, en plus ma moto pour survenir aux besoins de ma petite famille. Pourtant je travaille à la Sides après la signature d’un contrat dont on ne m’a pas permis de voir le contenu, il y deux ans», se plaint un conducteur. Le relevé bancaire des dernières opérations des employés présente un tableau avec plusieurs mois d’impayés depuis 2020.
Plus d’une quinzaine d’agents, les conducteurs de bulldozers, niveleuses, foreurs, de compacteurs, de camions bennes, tracteurs, etc.., ils sont sans salaires. Et selon des confidences, la location des engins fait gagner des millions de francs CFA à la mairie.
Sur des chantiers depuis leur achat en 2018, les engins sont mis en location. Hors taxes, la location d’un Bulldozer coûte 350.000 f la journée. La grande pèle et la petite coûtent respectivement 400.000 FCFA et 300 000 FCFA par jour. Quant à une niveleuse, sa facture journalière s’élève à 250 000 FCFA et le compacteur à 200 000. FCFA. Un camion benne est loué à 70 000 FCFA, la journée.
D’après nos informations, plus d’une trentaine de machines sont régulièrement en location. À la situation d’impraticabilité des voies secondaires de la ville, dénoncée par des citoyens dans notre précédent dossier, s’ajoutent non seulement l’opacité autour de la gestion des recettes vantées par le locataire de l’hôtel de ville et son équipe, mais également l’inexplicable situation des principaux artisans que sont les conducteurs d’engins. «Où vont les recettes», désespère un travailleur de plus de 20 mois sans salaire.
Voici comment la mairie de Parakou a soigné son image à crédit.
Cela pourrait paraître surprenant. Pour la communication sur les activités du maire, l’hôtel de ville a contracté avec des médias locaux notamment des radios. Ces médias remplissant leur part de contrat, ont régulièrement relayé les activités et sorties de l’autorité municipale, au point d’en devenir des canaux de propagande. Une ardoise de plusieurs dizaines de millions de francs CFA est collée à la mairie de Parakou sur le plan de communication. Les organes de presse concernés ont vu leurs prestations et tranches d’émission de plusieurs années impayées. Conséquence, les radios éprouvent des difficultés financières.
Au nom des contrats, les médias ont longtemps et régulièrement esquivé les sujets qui touchent à la municipalité. La gouvernance de l’ex Maire Charles Toko était devenu tabou sur les plateaux. Critiquer sa gestion n’était pas admissible. Le paradoxe, les services après vente peinent à être concrétisés. Les dettes s’accumulent, au point de faire de l’hôtel de ville, un débiteur insolvable. Quarante millions pour une certaine radio, trente pour une autre, d’autres encore. Les créanciers, quant à eux, se demandent à quand leur payement, face à leurs dépenses de fonctionnement et des charges salariales.
La foire, la vache à lait pour un groupuscule.
La manne financière de la foire est laissée à la grande discrétion d’une équipe. Charles Toko, ancien maire de Parakou et actuellement premier adjoint, père fondateur de la foire internationale de Parakou, s’est rendu incontournable dans l’organisation. Certaines sources du conseil municipal confient que les modalités de l’organisation de la foire n’ont jamais fait objet de débat. «Le conseil n’a pas été impliqué, si ce qu’à quelques jours où nous avons été informés au cours d’une session sans débat. Et certains élus ont forcé la main pour placer deux représentants dans le comité d’organisation alors que tout était déjà fin prêt», confie un conseiller municipal avant de déplorer l’opacité qui entoure la gestion de l’organisation. Plus loin le point financier de FIP reste encore inconnu. «Depuis décembre à ce jour aucun point n’a été fait au conseil», dénonce une autre source.
Par formalisme, le maire Inoussa CHABI ZIME a organisé de façon expéditive une “reddition de compte ” réduite à un cercle restreint sans aborder le moindre des sujets qui préoccupent les Parakois, résignés. Tout se passe comme si Parakou dans un enchevêtrement indescriptible, était une république entièrement à part, dissociée du Bénin.
L. W. T.