L’actualité au Bénin est marquée depuis plusieurs mois par des cas récurrents de viol, notamment sur mineurs. Au-delà des victimes, le viol détruit la société et il est impératif de travailler à faire reculer le phénomène.
La récurrence des cas de viol notamment sur mineurs n’est pas un phénomène nouveau au Bénin. Le viol a toujours existé mais très peu dénoncé par les familles des victimes et les victimes elles-mêmes pour plusieurs raisons, informe Dr Théodore Monhidé, sociologue. Avec les réseaux sociaux aujourd’hui on en apprend plus et très vite sur le fait. A chaque cas rapporté, des voix s’élèvent pour dénoncer, condamner et surtout pour interpeller autorités politico-administratives, traditionnelles, religieuses, parents et autres éducateurs.
Le sociologue explique la persistance du fléau social par plusieurs facteurs dont la mauvaise éducation de façon générale et les tabous liés à la sexualité de façon spécifique. Il note également l’influence des images et vidéos auxquelles les enfants et les jeunes sont exposés et qui parfois incitent à une reproduction de ce qui est vu.
Si le sexe est un besoin physiologique naturel, l’oisiveté et la morosité économique peuvent conduire également à des déviances, souligne le sociologue, s’appuyant sur l’adage qui dit : « Celui qui ne fait rien est tenté de mal faire ». L’agression sexuelle dans l’enfance ou à l’âge adulte entraîne des traumatismes chez les victimes, qui se répercutent sur leur entourage et toute la société. Elle représente un problème de santé publique qui concerne toute la population, affirme le psychologue clinicien Gilles Arsène Aïzan.
Dans l’enfance ou le “sujet“ de l’enfant est en construction, la survenue d’un tel acte bouleverse toutes les représentations que la victime se fait de son environnement, de son milieu de vie et cela affecte toute sa personnalité
explique-t-il.
Mais le traumatisme est peu mis en exergue à cet âge où l’enfant garde encore foi en sa famille, en ses parents, en la société pour la protéger. Les séquelles existent tout de même et se manifestent, entre autres, par le repli sur soi, l’activité sexuelle précoce, les troubles psychosomatiques.
Victimes à vie
Le processus traumatique est actualisé à l’adolescence quand l’enfant s’apprête à vivre une sexualité convenable. On assiste à cet âge à une vie sexuelle totalement débridée ou à une inhibition de la sexualité. On observera aussi le développement des comportements à risque et une faible appréciation de la notion de risque, ce qui conduit très souvent à de nouveaux épisodes de viol
Selon le psychologue clinicien.
Cet acte aura chez l’enfant de répercussion sur la manière de rentrer en relation avec les autres et dans sa vie de couple. « Il arrive que des enfants victimes de viol à l’âge adulte développent un rejet de l’autorité, une défiance totale puisqu’ils en veulent aux parents de ne les avoir pas protégé du violeur, une érotisation des relations », poursuit-il.
Lorsque les victimes ne sentent pas secourues, écoutées, crues et bien accompagnées, elles peuvent devenir auteures de violences conjugales qui sont parfois l’une des conséquences du viol subi par l’un des partenaires dans l’enfance. Du fait de devenir alexithymique, beaucoup de frictions d’humeur surviennent dans le couple et conduisent à la violence et très souvent sans que la cause réelle ne soit perceptible.
Il y a des références socioculturelles et au niveau de la pensée sociétale qui n’encouragent guère les dénonciations telles que le rang social de l’abuseur, le fait de ne pas considérer l’enfant comme sujet et de ne pas croire en son discours. Et pourtant, c’est très sensible ce qui se joue dans les premiers moments du viol sur l’enfant.
Sévir !
Pour Gilles Arsène Aïzan, non seulement la dénonciation va contribuer à la réparation mais déjà, il importe une reconnaissance du caractère de “victime’’ face à la situation.
Nous voyons souvent dans nos familles, les mères parfois s’en prendre à leur enfant, estimant qu’il/elle aurait été l’instigateur de l’acte de viol, par son comportement ou par son manque de retenu’’ ajoute le psychologue clinicien. Il y a certainement des personnes qui continuent de trouver des justifications à cet acte ignoble. Chaque fois qu’une question de viol est abordée avec légèreté, cela ne fait qu’affecter toutes victimes du viol, qu’elles connaissent ou non la victime I
expose-t-il.
Les conséquences sur les victimes peuvent perdurer tout au long de la vie et même se poursuivre à travers les générations. C’est pourquoi il importe que toutes les composantes de la société soient sensibilisées sur la dangerosité de l’acte, surtout quand la victime est un mineur (fille ou garçon). Il faut des actes forts : punir sévèrement les faits connus, préconise le psychologue.
La peur du gendarme est un début de sagesse, renchérit Dr Théodore Monhidé. Pour lui, le phénomène va reculer considérablement si les éventuels auteurs sont convaincus de subir la rigueur de la loi.
Pour remédier aux actes de viol, le religieux doit être au cœur de l’éducation et de la sensibilisation, pense le sociologue.
Chaque Béninois croit en Dieu et appartient à une religion et toutes les religions condamnent cet acte ignoble qu’est le viol. Mais, mieux vaut prévenir que guérir, dit l’adage. D’où, au-delà des lieux de culte, il convient de mettre l’accent sur la sensibilisation, l’éducation et le respect des droits des enfants au niveau de la cellule familiale et des établissements et centres de formation.
Halilathou DRAMANE