Bénin, quatre ans après la mise en circulation des premiers véhicules du projet « Bénin taxi », les conducteurs sont en pleurs. Les clients eux se plaignent et se résignent. Tous appellent à l’accompagnement du gouvernement.
Jeudi 24 Juin 2021. Nous sommes à la place de l’Etoile rouge. Cette place historique qui s’impose au cœur de la ville de Cotonou par sa force circulaire dans laquelle est incrustée une architecture étoilée à la couleur rouge vive. Laquelle étoile porte à son milieu, un poteau haut d’une vingtaine de mètres, avec à son sommet une statue ayant une houe dans sa main droite levée. Il semble que l’image de cette place exhorte à l’agriculture. Mais sans pour autant avoir une idée claire du sens de cette place, les conducteurs de Bénin Taxi peuvent utiliser comme garage les alentours de l’étoile. Bénin Taxi, c’est cette flotte de véhicules mise en place en juillet 2017 par le gouvernement béninois dans sa dynamique de résorption du chômage des jeunes. Ce sont des véhicules de type Duster de la marque Renault, reconnaissables à leur couleur jaune surmontés de l’enseigne « Taxi ». Ils sont climatisés et dotés d’une connexion Internet. Au lancement, 50 véhicules avaient été remis à des jeunes qui devraient rembourser progressivement sur la base d’un contrat. D’autres lots de taxis ont été mis en circulation plus tard à Cotonou et dans d’autres villes notamment à Abomey-Calavi, Bohicon, Parakou et Natitingou. Selon les responsables du projet qui est conduit par le centre de partenariat et d’expertise pour le développement durable, placé sous la tutelle du ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané, il vise à « améliorer la mobilité urbaine tout en contribuant à la promotion des artisans qui sont en même temps conducteurs et propriétaires ». A leur avis, c’est un moyen de relancer la circulation urbaine de taxis, d’augmenter l’offre de qualité en matière de transport et d’accompagner le développement touristique.
De l’espoir à la peur
Quatre ans après le démarrage du projet, les résultats semblent ne pas être très satisfaisants ; c’est du moins l’avis des conducteurs. « Il est prévu que les paiements soient quotidiens mais beaucoup parmi nous ne parviennent pas à honorer cet engagement. Moi, je n’arrive pas à payer régulièrement selon les clauses. Avant, les agents venaient chercher l’argent sur le terrain. Aujourd’hui, c’est à la banque qu’on fait le virement », fait savoir un conducteur assis dans son véhicule à l’instar d’une demi-douzaine d’autres immobilisés sur la place de l’Etoile Rouge. Des « Bénin taxi » immobilisés avec des conducteurs qui tutoient l’ennui, la scène est fréquente ; que ce soit sur l’esplanade extérieure du stade de l’amitié, à Arconville et autres lieux de stationnement. «Ce travail est vraiment désolant. Je n’arrive pas à m’en sortir avec les conditions actuelles. Beaucoup comme moi regrettent d’avoir embrassé ce travail de taxi. Ils nombreux à abandonner. Les conditions sont difficiles et les clients sont difficiles à trouver. Pour mon taxi, tout est à ma charge. Les visites techniques, l’entretien, l’assurance et autres réparations sont pris en compte par moi-même. Je fais des prêts pour faire face à ces dépenses alors qu’il n’y a pas de boulot. Les conditions ne sont pas favorisées pour nous permettre de trouver des clients », se plaint le même conducteur qui préfère rester dans l’anonymat. Son voisin immédiat qui revenait d’un long sommeil nourrit le même ressentiment. « Je ne gagne pas de salaire. Je gagne en fonction du travail que je fais chaque jour. Au début ça allait bien, mais aujourd’hui, il n’y a plus de client. Je reste sur place à longueur de journée et je dois payer 10.000 FCFA chaque jour. Il y a un manque de publicité », soutient-il, l’air dépité.
Au lancement du projet, les responsables avaient annoncé un accompagnement pour soulager les difficultés des conducteurs. Mais quatre ans après, ces derniers disent n’avoir obtenu aucun soutien. En plus, les actions de communication démarrées en faveur du projet n’ont duré que quelques semaines. « Il nous faut nécessairement l’accompagnement promis par le gouvernement. Sinon nous ne pourrons respecter nos engagements. C’est très difficile », suggère le conducteur.
Avis partagés
Si les conducteurs sont déçus, les clients apprécient diversement leurs prestations. Mais l’unanimité est faite autour de la cherté des services de transport de Bénin taxi. « Pour une course à l’intérieur de Cotonou, vous ne pouvez payer moins de 5000 FCFA. L’autre jour, rien que pour la distance Stade de l’amitié – Houéyiho, ils m’ont exigé 3000 FCFA. Dans le même temps, un zémidjan était prêt à me déplacer au prix de 250 FCFA. Mon choix a été vite fait », explique Angela Fiogbé, commerçante de tissus.
En dehors du tarif, les conducteurs de Bénin taxi accusent beaucoup de retard pour rejoindre leurs clients à qui ils facturent même parfois le trajet à vide. « Lorsqu’on les appelle, non seulement ils te posent beaucoup de questions et te perdent du temps, mais ils arrivent souvent en retard. En plus, ils font souvent d’économie pour la climatisation », accuse Sofiath, qui sollicite par moment les prestations des véhicules de la flotte « Bénin Taxi ».
Malgré ces problèmes, Sandra Alossè, agent dans un cabinet d’expertise comptable reste une cliente fidèle de Bénin taxi. « Nous payons mensuellement. Ils viennent chercher les enfants tôt le matin pour l’école et les ramènent le soir. Ils sont chers et accusent beaucoup de retard mais en attendant de payer un véhicule et prendre un conducteur pour les enfants, nous faisons recours à leurs services. Cela nous aide beaucoup mais il faut réellement revoir les tarifs, sinon on ne pourra pas s’en sortir », fait-elle savoir.