L’opposant béninois au régime Talon, Komi Koutché, ancien ministre des Finances était reçu dans la matinée de ce vendredi 14 mai 2021 sur Radio France Internationale (Rfi). L’invité de Christophe Boisbouvier s’est prononcé sur les questions brûlantes de l’heure au Bénin après l’élection présidentielle du 11 avril marquée par des scènes de violence dans le pays. Entre autres, l’ex argentier national et président du mouvement ”s’Engager pour le Bénin” a répondu aux accusations de Patrice Talon réélu président de la République. Pour justifier le faible taux de participation à l’élection présidentielle, le chantre de la rupture avance la tension pré-électorale et met en cause plusieurs acteurs de l’opposition d’avoir planifié une insurrection contre son pouvoir. En réponse, Komi Koutché déclare <<Jamais, avant le président Patrice Talon, il n’y avait eu des scènes de violence. Mais depuis 2016, qu’il est au pouvoir, tous les trois rendez-vous électoraux qu’il a organisés n’ont pu se dénouer sans que des Béninois innocents ne tombent sous les balles d’une milice spécialement montée pour la circonstance>>.
Le président du mouvement ”s’Engager pour le Bénin” explique que le président Patrice Talon a privatisé l’économie, l’arsenal institutionnel et l’espace électoral. <<Et donc, pour pérenniser ceci, il ne lui reste que la violence. En clair, la démocratie béninoise, que vous avez connue depuis 1990, est aujourd’hui une démocratie totalement mise en berne>>, déplore le docteur en économie avant de dénoncer que le président Patrice Talon est le collecteur des ressources publiques à travers sa société Bénin Control. <<Il collecte, il donne ce qu’il veut dans les caisses de l’État. Il contrôle le port, il contrôle l’aéroport, il contrôle le secteur hôtelier… Il a pris en otage et étouffé tous les opérateurs économiques. Et quand quelqu’un est comme cela, il ne lui reste qu’une seule chose : installer un empire et utiliser des employés, des gens qu’il peut manipuler pour pouvoir le pérenniser. Et pour cela, il n’y a que la force brutale>>.
A la question de savoir si son adresse depuis son lieu d’exil, à des manifestations n’était pas un appel à l’insurrection, l’invité de Rfi confie <<je suis aux États-Unis, le pays de référence de la démocratie dans le monde, et vous comprenez qu’avec toutes les vertus de la démocratie dont je jouis, ici, aux États-Unis, je ne peux pas appeler à la violence. J’ai appelé à des manifestations pacifiques non violentes, mouchoir en main et les populations ont suivi massivement cette manifestation pacifique, jusqu’à ce qu’il soit ordonné à une milice d’aller tirer ouvertement sur les populations qui étaient en manifestation pacifique>>.
Actuellement, il y a plusieurs figures de l’opposition en prison. Parmi elles, Reckya Madougou et le professeur Joël Aïvo. Mais le pouvoir dit que la justice détient la preuve que ces personnes ont planifié des actions violentes dans le centre-nord du pays. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Vous parlez de quelle justice ? Le Bénin n’a plus de justice. La justice républicaine a été remplacée depuis 2016 par la justice privée du président Patrice Talon. La Cour africaine des droits de l’homme a pu donner des instructions claires sur ce qu’il convient d’appeler « aberrations judiciaires », que le président Patrice Talon utilise aujourd’hui pour réprimer ses opposants.
Les cas de Reckya Madougou et de Joël Aïvo sont illustratifs. Ces deux cas sont illustratifs de ces aberrations. On reproche à Reckya Madougou d’avoir financé ses partisans pour 15 millions de francs CFA. Vous voyez ce que cela fait pour une candidate d’un parti comme le parti Les Démocrates… On lui reproche le fait que, pour faire appel du rejet de sa candidature, elle mette 15 millions à la disposition de ses partisans. La contestation est une vertu de la démocratie. Je ne pense pas qu’il soit vraiment raisonnable et de bon sens que l’on reproche à une candidate de financer à hauteur de 15 millions de francs CFA – si vous convertissez en euros, vous verrez que ce n’est rien du tout – le fait d’aller expliquer comment sa candidature a été rejetée, si tant est que la contestation est une vertu de la démocratie.
À Joël Aïvo, on lui reproche le blanchiment de capitaux et des appels à l’insurrection. Quand je prends l’aspect blanchiment de capitaux, de façon terre à terre, pour l’ancien ministre des Finances que je suis, un blanchiment suppose de l’argent gagné par une origine criminelle et recyclé dans une fin objectivement justifiable. Joël Aïvo, on ne nous a pas encore dit de quelle source criminelle il a pu gagner cet argent-là. Donc en clair, il a été simplement question d’embastiller les quelques rares têtes qui restaient encore et derrière lesquelles le peuple pourrait s’allier, si les élections étaient ouvertes. Mais si vous citez seulement les cas de Joël Aïvo et de Reckya Madougou, c’est que vous taisez les près de 500 arrestations extrajudiciaires qu’il y a eu depuis que cette parodie électorale a été organisée, a dit Komi Koutché.