C’est un secret de polichinelle que le Bénin traverse une situation sociopolitique singulièrement inédite. Assemblée nationale, mairies et institutions de la république, aucune entité du pays n’échappe au contrôle du chef de l’État Patrice Talon qui, dans son élan de rempiler à la prochaine élection présidentielle, recale ses principaux rivaux par les textes électoraux et la justice, empêchant ainsi le libre choix au peuple béninois. Malgré les multiples appels à un scrutin inclusif, le régime Talon poursuit à pas de charge sa marche dans une atmosphère tendue dans le pays autrefois berceau de la démocratie en Afrique ouest-africaine. Dépourvu de son caractère de souveraineté, le peuple béninois, la peur au ventre envisage de manifester pour le retour des acquis démocratiques. Dans ce débat, l’armée longtemps mise à contribution pour réprimer des manifestations anti-rupture, constitue le rempart du peuple, selon Omar Arouna, l’ancien ambassadeur du Bénin aux États-Unis. A travers une réflexion intitulée ” Bénin : l’arme, le bouton de réinitialisation de la démocratie”, Omar Arouna met l’armée béninoise devant ses responsabilités devant ”le refus du gouvernement du Bénin face aux changements revendiqués par la grande majorité des citoyens”.
LeParakois vous propose en intégralité cette opinion.
BÉNIN : L’ARME, LE BOUTON DE RÉINITIALISATION DE LA DEMOCRATIE.
Par
L’Ambassadeur Omar Arouna, MBA
Comme l’utilisateur dont l’ordinateur se fige au milieu d’un projet important, n’ayant d’autre recours que d’appuyer sur le bouton de réinitialisation, la démocratie béninoise s’est plantée depuis 2016. La situation actuelle du Bénin nécessite une réinitialisation matérielle. Cela peut paraitre contre-intuitif pour le démocrate que je suis et pourtant, ce bouton reset au Bénin semble être l’armée.
Dans l’article paru dans le numéro 242, 2012/2 de la revue Afrique Contemporaine, (Armée et démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser) Alexis Essono Ovono explique que « dans les pays d’Afrique subsaharienne francophone, une longue tradition de participation à la gestion du pouvoir a fait des armées des acteurs politiques incontournables plutôt que des groupes socioprofessionnels en charge de la défense du territoire national. L’intervention de l’armée a permis de sortir de l’impasse en mettant fin à une situation de crise politique certains pays. Dans chaque cas, une transition plus ou moins longue a été organisée, des élections transparentes et disputées ont eu lieu à l’issue desquelles le pouvoir a été transféré aux civils »
Devant le refus du gouvernement du Benin face aux changements revendiqués par la grande majorité des citoyens, et face aux dérives autoritaires du président Patrice Talon, Militaires, Gendarmes, Policiers, Douaniers et Forestiers du Bénin apparaissent comme le dernier recours du peuple. Un peuple dépouillé et humilié qui à ses yeux tournés vers les braves forces en armes; le bouton reset pour redémarrer une démocratie figée.
Depuis le 6 avril 2016 jusqu’à ce jour, soumis aux principes de légalité et de hiérarchie qui ont couté au peuple des pertes en vie humaines et d’atroces souffrances, les forces armées béninoises ont servi le Gouvernement en place avec loyauté comme l’exige leurs textes et la constitution du pays. Mais à partir du lundi 5 mars, 2021 à minuit, la délégation de pouvoir conféré au président Patrice Talon par le peuple béninois expire définitivement. Considérant que l’armée est une émanation du peuple, il est évident que la loyauté sa loyauté retourne au peuple auquel appartient la souveraineté nationale.
Le sens élevé du devoir sacré qui constitue la motivation professionnelle du militaire, a ce tournant critique de l’histoire de notre pays, et le “professionnalisme militaire” dont les hommes en armes ont toujours su démontrer dans les périodes critiques comme celle-ci fait de lui la composante des forces vives de la nation la mieux outillés a se porte au secours de la démocratie lorsqu’elle est menacée.
En tout état de cause, toute armée dans une nation démocratique, a un devoir légitime de désobéissance à un régime périmé : “le subordonné ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d’accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales en vigueur”. Ceci est d’autant plus vrais pour le Bénin que les institutions internationales compétentes ont invalidé toutes les lois scélérates en vertu desquelles la dictature actuelle prétend de nouveau commander.
Pour la restauration de la démocratie et de l’ordre républicain, en colonne couvrez!