Les dernières décisions de la cour constitutionnelle, depuis leur annonce, sont au cœur d’une vague de critiques et d’indignation. Alors qu’elle était attendue pour situer les béninois sur les dispositions controversées du parrainage et de la prorogation du mandat du Chef de l’État Patrice Talon, contenues dans la loi fondamentale, la haute juridiction s’est plutôt déclarée incompétente pour examiner les deux recours adressés par des trois citoyens dans la perspective de l’élection présidentielle prochaine. Cette double incompétence des sept sages provoque la levée de bouclier dans des milieux politiques notamment de l’opposition et d’acteurs de la société civile, ainsi que des juristes. Aboubacar Moussa Coffè, consultant en gouvernance locale et aménagement du territoire, ne s’est pas soustrait du débat. Le spécialiste de la décentralisation, avec la verve qu’on lui connaît, n’est pas allé du dos de la cuillère pour dire sa désolation.
<<Les institutions de la république sont devenues des instruments[…] Lorsque vous prenez la cour constitutionnelle, la haute cour de justice, l’assemblée nationale, exécutent un schéma. Leur demander de déplacer une virgule, c’est demander leur chute>>, réagit-il dans une interview accordée à LeParakois. Pour lui c’est une machine déjà mise en place pour durer longtemps.
Sans s’opposer au système de parrainage, l’ancien conseiller municipal de Parakou déconseille la mise en œuvre de la disposition dans les conditions actuelles où les parrains appartiennent, presque tous à la même chapelle politique, la mouvance présidentielle. Dans un tel contexte, l’interlocuteur de votre journal, estime que le peuple perd son droit d’électeur à un scrutin présidentiel. <<Nous sommes en déphasage avec les principes sacro-saints de la démocratie. A l’assemblée nationale où tous les députés appartiennent à la mouvance, le jeu est déjà fossé>>, fait observer Aboubacar Moussa Coffè qui dénonce la marche forcée du pouvoir vers l’exclusion à cette élection très attendue. Mesurant le danger que constitue ce système, il invite l’ensemble des forces vives de la nation à des assises devant permettre au pays de <<repartir sur de nouvelles bases>>, comme ce fut le cas en 1990, sur l’initiative de feu général Mathieu Kerekou. Car presage-t-il, <<même ceux qui défendent aveuglément la disposition seront rattrapés>>.
S’agissant de la deuxième décision relative à la prorogation de quarante cinq jours du mandat du Chef de l’État, notre interlocuteur y voit une <<insulte à l’intelligentsia béninoise>>. Alors, appelle-t-il, tout béninois doit se joindre à ceux qui s’en indignent pour la restauration de la démocratie béninoise.
Par ailleurs évoque l’acteur politique, les ordonnances de la Cour africaine des droits de l’homme et des Peuples CADHP exigeant à l’État béninois l’abrogation de la constitution révisée en novembre 2019 au cœur d’une vague de protestation, pourraient être l’une des raisons pour lesquelles la Cour Constitutionnelle présidée par Joseph Djogbenou, s’est abstenue de trancher en déclarant incompétente.