Si le verdict était un parfum, il serait d’une mauvaise odeur pour le régime Talon. La Cour africaine des droits de l’homme et des Peuples CADHP, à travers une décision ordonne à l’État béninois de prendre des mesures afin d’abroger la loi n°2019-40 du 1er novembre 2019 portant modification de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution béninoise avant l’élection présidentielle d’avril 2021. La décision des juges d’ Arusha en Tanzanie fait suite à une requête d’un citoyen béninois.
Après les décisions de mai 2020 où elle ordonnait la suspension des élections communales, la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples ( CADHP ) revient donc à la charge suite à une plainte. Selon le communiqué de la CADHP, le requérant dans plainte «a demandé à la Cour de constater que les instruments pertinents des droits de l’homme ont été violés, dire et juger que la République du Bénin a perpétré le crime de changement anticonstitutionnel en opérant une révision de la Constitution et en s’accaparant les pouvoirs du législatif et en manipulant les règles sur la vacance du pouvoir en dehors de tout consensus et de tout recours au référendum par l’entremise des neuf (9) membres du comité des experts, des dix (10) députés initiateurs de la révision de la Constitution et de quatre (4) conseillers de la Cour constitutionnelle, Ordonner à la République du Bénin d’annuler la décision DCC 2019-504 du 06 novembre 2019 et la loi n°2019-40 portant révision de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin et toutes les lois qui en seront dérivées puis de procéder instamment au rétablissement de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 ». Dans la requête, il explique à la Cour que « la loi portant révision constitutionnelle n°2019-40 du 07 novembre 2019 n’a pas emporté l’adhésion d’une importante partie de la population » .
Aussi relève-t-il, la loi portant révision de la constitution « a été adoptée, clandestinement et en urgence, par un Parlement qui n’est pas représentatif de la population béninoise » . Par ailleurs, le requérant a fait savoir aux juges que « la proposition de loi de révision constitutionnelle n’a pas été divulguée avant son adoption » . Et il estime que, cette révision de la constitution « menace la paix et la sécurité au Bénin et par voie de conséquence le développement économique, social et culturel, dans la mesure une importante partie de la population ne s’y reconnait pas » . Alors, après avoir examiné la requête, les juges de la Cour d’ Arusha font « observé que la loi querellée a été adoptée selon la procédure d’urgence et qu’une révision consensuelle n’aurait pu être acquise que si elle avait été précédée d’une consultation de toutes les forces vives et de différentes sensibilités en vue de parvenir ou si elle avait été suivie, le cas échéant, d’un référendum conformément aux idéaux qui ont prévalus à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990 et à l’article 10(2) de la CADEG » .
Alors, « la Cour a conclu que la révision constitutionnelle a été adoptée en violation du principe du consensus national » . C’est pour quoi, la Cour africaine demande à l’Etat béninois de « prendre toutes les mesures afin d’abroger la loi n°2019-40 du 1er novembre 2019 portant modification de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin et de se conformer au principe du consensus national édicté par l’article 10(2) de la CADEG pour toutes autres révisions constitutionnelles » . Cette abrogation de la loi doit se faire « avant toute élection ».
Après cette ordonnance qui réjouit beaucoup de citoyens Béninois, des inquiétudes se font ressentir quant au respect des des décisions de la juridiction. Car pour rappelle, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a, en mars rendu deux ordonnances contre l’État béninois. La première concerne l’effet du retrait par l’Etat de la déclaration du protocole qui empêche les citoyens et organisations non gouvernementales de saisir directement la cour. Dans sa décision la Cour a conclu que <<le retrait de la déclaration
déposée en vertu de l’article 34 du Protocole n’a pas d’effet rétroactif et n’a aucune incidence sur les affaires pendantes au moment de la notification du retrait, comme c’est le cas pour la présente requête. L’instance a également confirmé que tout retrait de la Déclaration ne prend effet que douze mois après le dépôt de l’instrument de retrait. En ce qui concerne l’Etat défendeur, l’instrument de retrait ayant été déposé le 25 mars 2O2O, le retrait de la déclaration faite en vertu de l’article 34 prendra effet le 25 mars 2021>>.
La seconde ordonnance était relative à une plainte de Éric Noudehouenou Houngue, un citoyen béninois, économiste et fiscaliste de formation conte l’Etat béninois à travers une requête devant la cour. Le Requérant, dans sa requête au fond expose que la loi n°2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la Constitution béninoise exclut de la participation aux affaires publiques du Bénin tout citoyen béninois qui n’est pas affilié à un parti politique et institue le parrainage comme condition à la candidature. Dans sa décision, la cour ordonne, entre autres à l’État de prendre toutes les mesures idoines afin d’accorder, de faire jouir effectivement et sans entrave le droit de candidature au plaignant et à tout Béninois qui désire se porter candidat libre sans passer par un parti politique, au titre des élections communales et municipales de 2020.
Et aucune de ses ordonnances n’a été respectée par le gouvernement. L’on s’interroge sur l’issue de la nouvelle ordonnance qui, à priori n’est pas à l’avantage de l’exécutif qui a déjà pris en conseil des ministres mercredi 25 novembre, le décret portant modalités d’élaboration du calendrier électoral de la présidentielle de 2021.
L. W. T.