La démocratie depuis quelques années ne présente pas bonne mine au Bénin. Le pays fait l’objet de vives critiques tant l’interne qu’à l’international sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, depuis l’arrivée au pouvoir du chantre de rupture, Patrice Talon. Cela se confirme de plus en plus par des sanctions des instances et organismes sous-régionaux et internationaux contre le pays. La dernière en date est celle de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui, à travers un Communiqué en date du 6 octobre, suite à un réexamen de la situation, retire le Bénin de la liste des pays d’origine sûrs. Cette décision fait réagir plusieurs acteurs. Pour mieux comprendre les enjeux du déclassement, votre journal a recueilli les explications d’un spécialiste de défense des droits de l’homme. Maître Fatiou Ousman, avocat au barreau de Dijon, l’interlocuteur de LeParakois évoque les raisons et les implications de cette décision de l’établissement public français qui, selon l’avocat avait déjà étudié la situation politique du Bénin 6 mois en arrière et décidé de reporter au mois de septembre sa réétude.
<<Le fait pour le Bénin d’être sorti de cette liste pour la première fois de son histoire, est un marqueur important du déclassement de la démocratie béninoise>>, resume-t-il avant de faire remarquer que ce retrait du Bénin à quelques mois de l’élection présidentielle vient sanctionner tout ce qu’a vécu le pays depuis quelques années en terme de violation des droits de l’homme, en terme de remise en cause des principes de l’état de droit et de liberté publique.
Aussi explique le juriste, <<l’Ofpra vient constater que le Bénin n’est plus un pays si apaisé, si démocratique, si respectueux des libertés individuelles et publiques>>.
C’est une décision qu’on ne peut pas dissocier de la sortie du protocole permettant aux citoyens Béninois de saisir directement la cour africaine des droits de l’homme et des peuples. La décision de l’organisme français pourrait également être lié à la non exécution des nombreuses décisions de la CADHP par l’état béninois. L’emprisonnement des journalistes, l’instauration d’un parlement entièrement composé de députés acquis à la cause présidentielle, les conseils communaux et municipaux soumis au pouvoir, l’exil de plusieurs Béninois depuis 2016 avec le statut de réfugié pour certains, sont entre autres éléments qui militent en faveur de ce déclassement du Bénin de la liste des pays d’origine sûrs par l’établissement public français.
Sur la question de la réaction du porte-parole du gouvernement Alain Orounla, Me Fatiou Ousman estime que le gouvernement est dans une démarche de banalisation, de vouloir mettre le tapis sur la poussière pour voiler la réalité au Bénin.
Pour précision, l’Ofpra est un établissement public administratif français créé par la loi du 25 juillet 1952. En charge de l’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, puis de la Convention de New York de 1954, il statue en toute indépendance sur les demandes d’asile et d’apatridie qui lui sont soumises.
Il est initialement placé sous la tutelle administrative du ministère des Affaires étrangères jusqu’en 2007. Cet établissement public comprenait alors deux entités : une entité administrative, l’Ofpra, et une entité juridictionnelle, la Commission des recours des réfugiés (CRR). En 2009, la Commission des recours des réfugiés, rebaptisée Cour nationale du droit d’asile (CNDA), a été rattachée au Conseil d’Etat.
Depuis 2010, l’Ofpra est placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Il s’agit d’une tutelle financière et administrative, qui n’affecte en rien l’indépendance fonctionnelle de l’Ofpra. L’article 7 de la loi asile de 2015 (modifiant l’article L. 721-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ) dispose en effet que “L’office exerce en toute impartialité [s]es missions (…) et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction”. Cette tutelle s’accompagne d’un contrat d’objectifs et de performance (COP).
L’Ofpra exerce trois missions essentielles :
Une mission d’instruction des demandes de protection internationale sur la base des conventions de Genève du 28 juillet 1951 et de New York du 28 septembre 1954 et du CESEDA. Une mission de protection juridique et administrative à l’égard des réfugiés statutaires, des apatrides statutaires et des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Par ailleurs, l’Ofpra a une mission de conseil dans le cadre de la procédure de l’asile à la frontière. Il rend un avis au ministre de l’intérieur sur le caractère manifestement fondé ou non d’une demande d’autorisation d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile.
Le siège de l’Ofpra est situé à Fontenay-sous-Bois (94) sur la base d’une organisation centralisée à l’exception d’une antenne en Guyane qui est compétente pour le traitement de la demande d’asile déposée dans les départements français d’Amérique.
L’établissement public compte environ 800 agents depuis le mois de janvier 2017 (contre 450 en 2012).
Loukoumane WOROU TCHEHOU