La pratique du sport boule a longtemps semblé réserver aux personnes âgées ou aux retraités. Mais cette discipline sportive enregistre de nouveaux adhérents, notamment des jeunes dont l’amour et la passion ont permis de révéler le Bénin sur la scène internationale. Arrivé vice-champion du monde derrière la France et le Madagascar, le Bénin a inscrit son nom au panthéon des nations qui savent lancer la boule. Depuis quelques mois, deux jeunes femmes s’illustrent dans la pratique de cette discipline dans la ville de Parakou. Leurs noms, Raïma, la trentaine et Blandine, la vingtaine. Celles-ci s’imposent progressivement par l’expression de leurs talents et leurs prouesses admirées et encouragées par les hommes; le Président de leur formation sportive, Renaissance, en particulier.
Toutes deux sociétaires de RENAISSANCE PÉTANQUE CLUB de Parakou, Raïma et Blandine impriment leurs marques depuis près d’un an dans le quotidien de la pétanque à Parakou. Seules femmes dans la discipline dans le Borgou et l’Alibori, le duo Raïma et Blandine défie depuis peu les pronostics dans les compétitions auxquelles elles participent.
Couturière de profession, Raïma BAH SAMBO, 30ans, 1,77m environ, de taille fine est originaire de winra dans la commune de Gogounou mais vit depuis plus d’une vingtaine d’année à Parakou. Elle n’a pas eu la chance d’aller loin dans les études car très tôt retenue par le décès de son père et les conditions de vie difficiles de sa mère. Elle fut inscrite peu après dans un atelier de couture à Parakou. Longtemps passionnée par la pétanque dont est un féru un de ses oncles qui l’initie plus tard, elle a décidé de jeter les bases de cette discipline longtemps vue au masculin dans la partie Nord du Bénin. Diplôme de couture en poche et sans grands moyens, elle se consacre sans encombres et sans pépins dans la pratique de la pétanque avec la bénédiction de sa mère et de son oncle qui est une inspiration pour elle. ‹‹Je voyais mon oncle et ses amis jouer chaque fois devant la maison. Je prenais mon temps pour les suivre et j’aimais la façon les boules sont lancées et le bruit que ça fait. Plus tard quand j’ai parlé de m’entraîner avec eux mon oncle n’y a pas trouvé d’opposition. Le président du club dans lequel je joue actuellement qui venait de temps en temps jouer avec eux m’a vu une fois lancer les boules. C’est comme ça il a parlé de me prendre dans son équipe et mon oncle quand il m’a fait part de cela j’ai accepté automatiquement. C’est comme ça j’ai commencé la pétanque en vrai››, Raïma interviewée au cours d’une séance d’entraînement de l’équipe.
A contrario, Blandine GOUNOU, apprenante dans un centre de formation professionnelle en secrétariat informatique à Parakou, a quitté Sori, commune de Gogounou pour les études dans la cité des Koburu. Sur place nous raconte-t-elle, elle tombe amoureuse de la pétanque par le biais d’une amie qu’elle accompagnait pour les sorties ludiques après les cours. ‹‹C’est quand j’ai commencé par fréquenter mon amie là qu’elle m’amenait au niveau du terrain où je voyais jouer les hommes. Peu à peu j’ai pris goût. Un jour le Président du club m’avait surpris entrain de m’amuser avec les boules quand il m’a demandé de faire des exercices il va voir. Et c’est comme ça qu’il m’a proposé de m’entraîner avec eux pour enfin devenir une joueuse du club de Renaissance en plus de Raïma qui était déjà là avant moi››. Une rencontre hasardeuse qui n’a pas susciter l’approbation parmi les siens se désole t-elle. ‹‹Ma décision du point de vue de la famille n’est la bienvenue. Chez les parents ce fut un “Non” à mon idée de jouer à la pétanque». Elle raconte: ‹‹ Quand je suis arrivée à Parakou je vivais seule en location. Après je rejoins un oncle chez qui je me suis installée. Quand j’ai commencé par jouer, à la maison mon tuteur m’a demandé de laisser. Au début j’ai failli obtempérer mais l’envie de continuer était plus forte que moi. Alors il a appelé ma grande sœur qui était responsable de moi pour lui dire ce que je fais comme sport à Parakou. Elle aussi a pris par tous les moyens pour m’en dissuader. Mais j’ai refusé. Sa décision alors fut de me couper les vivres (petit-déjeuner, scolarité et autres choses qu’elle me donnait). Même mon petit ami m’a menacé de me quitter si je ne laisse pas la pétanque. Que c’est pour les hommes et que les gens vont me faire la cour. J’ai refusé et donc on a rompu (vite fait même, Ndr)>>.
Si chez l’une, les choses semblent fonctionner comme sur des roulettes, chez l’autre ce n’est pas du tout la lune de miel. En dépit de toutes ces situations, elles arrivent à répondre présente aux activités du groupe grâce aux efforts conjugués du Président du club et de certains membres. Touré Yacoubou, Président de Renaissance Pétanque Club de Parakou confie ici les réalités avec les deux joueuses. ‹‹Vous savez, au nord ici il y un retard criard dans certaines choses surtout la participation des femmes à certaines activités comme au niveau du sport. Du côté de Raïma c’est un peu plus relax que chez sa coéquipière. Blandine elle, c’est des problèmes chaque jour avec ses parents qui ont fini par l’abandonner parce qu’elle refuse de laisser de jouer à la pétanque. Moi je suis un père de famille, je suis un opérateur économique et je voyage un peu partout. Quand on va à Cotonou par exemple pour les compétitions c’est nous seul au nord qui ne présentons pas de filles. Pourtant elles sont là. Hélas elles refusent de jouer à cause des préjugés, de ce que vont dire les gens. Même dans votre propre chambre les gens vont vous critiquer encore moins au dehors et c’est que je leur dit pour les encourager à briser les chaines de la timidité et de révéler leur potentiel caché. Dans l’Atacora précisément à Natitingou, il y a beaucoup de filles aujourd’hui qui jouent à la pétanque parce qu’on veut aussi relever le défi dans le septentrion››.
Sur la question du management, ‹‹Blandine, elle est élève et vous savez comme ça se passe (sourire), chez Raïma en dehors de son travail qui ne marche plus trop elle se débrouille dans de petits commerce mais ça ne suffit pas pour une femme vous le savez bien. J’ai pris donc là décision de subvenir à leurs besoins les plus capitaux pour surtout les encourager à continuer et ne pas laisser. J’essaie de leur faire le nécessaire et jusque là Dieu m’aide et les membres du club aussi mettent parfois la main pour m’aider>>.
Le monde du sport est un domaine où les femmes ne sont pas les plus nombreuses. La question des considérations socioculturelles constitue l’un des freins pour celles là. Par ailleurs le harcèlement sous toutes ses formes n’est pas du reste et est parfois le problème principal chez les hommes en majorité. ‹‹C’est vrai que c’est un problème que les femmes rencontrent partout et ça fait baisser les bras à certaines. ‹‹Mais chez nous ici, cela n’existe pas. En tout cas pas en ma connaissance. Personne ne nous dérange surtout que le Président ne tolère pas ces genres d’affaire dans le club. Pour lui, nous sommes une famille et dans la famille on ne peut pas faire ça. Sinon il renvoie›› déclarent elles avec enthousiasme.
Pour le Président, c’est aussi un droit pour les femmes de pratiquer le sport ou les activités qu’elles désirent sans problème. ‹‹Raïma et Blandine sont mes filles et Monsieur le journaliste vous savez, les papas n’aiment que les garçons dérangent leur fille. Chez moi aussi c’est comme ça. J’ai déjà averti les hommes du Club. Si j’entends une des filles se plaindre, ils auront affaire à moi et ce n’est pas la blague›› prévient Touré Yacoubou président de Renaissance Pétanque Club.
Au total elles ont participé à plus d’une vingtaine de compétions au plan régional et national. Chaque fois contre toutes attentes elles atteignent le carré d’as avant de se faire éliminé soit en quart ou en demi-finale par les hommes. ‹‹Ce sont des filles très talentueuses au pointage comme au carreau. Ce qui surprend parfois les hommes de voir des femmes placé des boules là où eux mêmes ne s’attendent pas. Elles sont nos fiertés›› dixit le Président, l’humeur joyeuse chaque fois qu’il en parle. Aujourd’hui avec cette doublette de Raïma et de Blandine on fait des merveilles quand on va dans les compétions hors de Parakou.
Farouk Dine MAMA SANNI