L’Association béninoise de droit constitutionnel (ABDC) organise depuis ce vendredi 28 février à Cotonou un colloque sur les trente ans de la Conférence nationale du Bénin. Ce colloque, auquel prennent part d’éminents constitutionnalistes nationaux et d’ailleurs, des universitaires et des membres de la société civile, vise à réfléchir sur l’héritage de cette conférence nationale et les défis des années à venir. Il a aussi été une occasion pour certains acteurs majeurs, présents à cette conférence de témoigner.
Le Bénin est il toujours le laboratoire de la démocratie en Afrique ? Et que sont devenus les acquis de l’historique Conférence nationale béninoise ? Ce sont entre autre les questions autour desquelles ont essentiellement tourné les réflexions du colloque sur les trente ans de la conférence nationale béninoise, ce vendredi 28 février 2020. Les travaux du colloque qui se sont déroulés à l’hôtel Golden Tulip le diplomate à Cotonou, ont été ouverts par Séverin Quenum, le ministre de la justice.
Dans ses mots introductifs, le Professeur Joël Aïvo, Président de l’ABDC a d’entrée précisé que la conférence nationale n’est pas un accident de l’histoire. Aussi ajoute-t-il que cet événement déterminant dans l’histoire du Bénin *ne mérite pas l’oubli*. Pendant 30 ans, poursuit-il, elle nous a servi de repère fondamental ; elle a légué à notre pays non pas un livre saint mais un breviaire dans lequel la dignité, la sécurité de l’homme seront garanties par les lois et reconnues par les institutions.
Joël Aïvo va ensuite rendre hommage aux principaux acteurs de cette conférence nationale, conviés, notamment Robert Dossou, Théodore Holo, Paulin Hountondji, Pierre Osho et Nicephore Soglo alors désigné Premier ministre par les délégués. On note aussi la présence des universitaires nationaux et venus d’ailleurs, de politiques comme Arifari Bako, du Professeur Joseph Djobenou, Président de la Cour constitutionnelle, du corps diplomatique et des membres de la société civile.
Partage d’expériences et témoignages
Ce colloque a été aussi une occasion de partage d’expériences et d’instant de témoignages de ceux qui ont vécu la conférence de l’intérieur et ont oeuvré à son avènement. Le premier grand témoin à prendre la parole était l’ancien Ministre et Directeur de cabinet du Président Mathieu Kérékou en 1989 : << Je suis un témoin (de la conférence), donc je vais témoigner >>, assure-t-il à l’entame de ses propos. Il était vêtu pour la circonstance d’une veste, noire sans cravate à l’image de Kérékou. Pour ne pas faillir dans son récit Pierre Osho se servit de sa mémoire et aussi d’un document contenant les derniers échanges écrits qu’il a eu avec l’ancien président en 2006.
L’idée, la volonté et l’urgence d’organiser une conférence nationale, une sorte de rassemblement populaire pour trouver une solution à crise socioéconomique des années 88 et 89 est née en juillet 1989. Il se souvient avoir été celui qui a suggéré cela au Président Kérékou qui l’avait fait appeler. << J’ai expliqué au Président Kérékou que la seule issue à cette crise était de sauter le verrou constitutionnel, c’est-à-dire séparer le parti (PRPB ndr) de l’État et ouvrir la compétition à d’autres partis >>. Et c’est pour cela qu’il était nécessaire de convoquer toutes forces vives à la même table pour en parler. << Le 16 août 1989, j’ai été nommé Directeur de cabinet du Président Kérékou. Deux mois après, c’est-à-dire en octobre de la même année se tint la rencontre des comités de liaison à la salle du peuple pour affiner les réflexions >>, déclare le Conseiller de Mathieu Kérékou à l’époque. Avant de finir son propos, il a tout de même tenu à rétablir la vérité par rapport à l’implication de la France dans l’organisation de la conférence de février 90. << L’initiative des réformes ayant abouti à la conférence nationale ne venait pas de l’extérieur mais de l’intérieur >>, rectifie celui qu’on peut considérer, à l’aune de son témoignage, comme l’un des pères fondateurs de cette conférence.
Paulin Hountondji l’autre grand témoin a pris la parole, a renchéri les propos de son prédécesseur puis s’est félicité du rôle des universitaires à cette époque là. Cheveux gris, avec un aspect de fatigué lié au poids de l’âge, le Professeur de Philosophie admet être devenu une vedette de la conférence nationale à cause de la publicité que lui avait faite le Président Kérékou qui, lors des assises, s’en était pris verbalement à celui qu’il qualifiait de << philosophe >>. Et Paulin Hountondji se souvient encore très bien des propos tenus dans la salle qui abritait la conférence par lui même et le Président Kérékou quand il s’était agi de dire si les conclusions de la conférence devraient être souveraines. << Les problèmes de l’unité nationale et les problèmes de la paix nationale ne sont pas les problèmes des philosophes >>, a-t-il répété imitant ainsi Kérékou agacé par son intervention.
Malgré la rivalité apparente qu’il y avait entre le Professeur Titulaire en Philosophie Paulin Hountondji et Mathieu Kérékou, l’ancien Ministre de l’Éducation Nationale a fait savoir que le succès de la conférence nationale de février 90 réside dans les personnalités de Kérékou et du Président du présidium feu Monseigneur Isidore de Souza.
Les travaux ont pris fin dans l’après midi de ce samedi avec la remise des conclusions des différentes communications à l’ancien président de la Cour constitutionnel, Maître Robert Dossou.
F. A. Y.