Piste abandonnée aux intempéries, voies d’accès à la merci des bouviers, bâtiments sans entretien. Ce sont quelques traits distinctifs de l’état actuel de l’infrastructure aéroportuaire de Tourou dans la Commune de Parakou, réalisée aux frais du contribuable.
Le vendredi 29 mars 2019 dans l’après-midi, le ministre de l’eau et des mines, Samou Séidou Adambi, a procédé au lancement officiel de l’exploitation locale de l’aéroport de Tourou entièrement achevé, source de fierté de la partie septentrionale du Bénin. C’était au détour d’un vol inaugural effectué à bord de l’appareil de la compagnie Air Taxi Bénin, mais qui curieusement s’est serait déroulé en l’absence des techniciens formés à cet effet.
Un aéroport fantôme !
« Aucun aéroport opérationnel ne peut fonctionner sans techniciens ». Cette déclaration d’un agent de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile, (ANAC), semble révéler que l’aéroport de Tourou n’est pas encore mis en service, comme veulent le faire croire les dirigeants. Le ministre de l’Eau et des mines, seule autorité présente le jour de la symbolique cérémonie d’inauguration, se réjouissait de la tenue de ce vol qui pour lui marque le début de l’exploitation et de la valorisation de l’aéroport ouvert, pour l’heure, aux vols domestiques.
« Le gouvernement du président Talon soucieux de la mise en service de l’aéroport de Tourou ardemment réclamée par la population du septentrion accède ainsi à l’un des plus grands besoins de développement de Parakou. Donc c’est désormais une réalité », affirme le Ministre Adambi entouré de quelques voyageurs ayant affrété l’appareil Air Taxi Bénin. Mais chose curieuse et paradoxale aucun technicien n’était en service. Pourtant ces acteurs sont incontournables dans la gestion des vols dans un aéroport.
« (…) Il y a deux manières de mettre un aéroport en service. Soit c’est à vol à vu (VFR) ou soit c’est à vol aux instruments (IFR). Pour les vols VFR les avions n’utilisent pas les indications des instruments pour atterrir ou décoller. Dans ce cas précis on a besoin des techniciens. Maintenant pour ce qui concerne le vol aux instruments, en plus des techniciens cités, il faut ajouter les contrôleurs au moins. Dans ce cas les avions utilisent les indications des instruments pour décoller et atterrir », a expliqué notre source aéronautique.
La même source indique que « ce qui est opté pour Tourou actuellement c’est le vol à vu. Donc pour le bonheur de tous et surtout pour offrir une garantie sécuritaire aux voyageurs il faut que les techniciens soient sur l’aéroport pour assurer cette sécurité aéronautique ». C’est dire alors que sans les techniciens, le trafic du joyau aéroportuaire quel que soit le régime de vol opéré est un gros risque.
Par ailleurs, pour le fonctionnement effectif d’un aéroport d’envergure internationale, le minimum exige la fourniture en quantité suffisante de l’énergie électrique, la présence des techniciens de la météorologie à l’aéroport, des techniciens de l’aviation civile (TAC) qui comprennent ceux des télécommunications et ceux de la navigation aérienne, des sapeurs-pompiers d’aérodrome, les techniciens en électronique et informatique. Mais extraordinaire que cela puisse paraître aucun travailleur de cette chaîne n’est présent à l’aéroport ni le jour de la « supposée » inauguration, ni après.
Aéroport de Tourou dans un bras de fer politique ?
À en croire des sources proches de l’ANAC, l’acte du vendredi 29 mars n’est qu’un voile à l’autorisation d’atterrissage accordée par les autorités à Air Taxi Bénin, une compagnie dirigée par un proche du Gouvernement. A préciser que c’est la deuxième cérémonie du genre qui se tient à l’aéroport international de Tourou. En mars 2016, l’ancien Président de la République, Boni Yayi a effectué le vol inaugural de mise en service de cet aéroport, à bord d’un aéronef d’une compagnie aérienne sud-africaine.
Et depuis, après son départ, le gouvernement de son successeur, Patrice Talon, semble ne pas faire de la valorisation de l’infrastructure aéroportuaire une préoccupation malgré les multiples grognes des populations de Parakou réclamant la concrétisation du projet.