Construit en 2015 dans le premier arrondissement de la ville de Parakou, le marché Okédama, censé devenir un lieu d’échange commercial majeur, demeure vide et inexploité. Neuf ans plus tard, il est toujours inanimé, au grand dam des habitants qui espéraient y trouver un espace de commerce de proximité. Tandis que les raisons de cette inoccupation varient selon les points de vue, cette situation interpelle sur l’impact du manque d’animation de ce marché sur l’économie locale. Face à l’inaction des autorités, la question se pose : pourquoi ce marché reste-t-il inactif ? La rédaction est allée à la rencontre des différents acteurs pour éclaircir cette énigme.
Abandonné et envahi par la végétation, le marché Okédama est devenu un refuge pour des animaux sauvages comme des reptiles. Pourtant, l’endroit était destiné à être animé par les femmes du quartier, aujourd’hui contraintes de se rendre au marché Arzèkè pour leurs achats. “Nous avons payé pour des emplacements : autour, c’était 50 000 francs, et à l’intérieur, 2 000 francs. Cela ne s’anime toujours pas et cela nous pénalise,” se désole Sébastienne Fanou, habitante du quartier. En plus du coût des déplacements vers les autres marchés, elle regrette les initiatives vaines qu’elle a lancées pour motiver ses voisines à occuper Okédama : “J’ai pris mon sifflet et j’ai fait le tour des maisons pendant trois mois, sans succès.”
Le chef de quartier blâme les habitants et une rumeur infondée
Pour Abdoulaye Issa, le chef du quartier, la responsabilité incombe en grande partie aux habitants, influencés par une rumeur selon laquelle la première personne à s’installer sur le marché perdrait la vie. Selon lui, ces croyances entravent l’animation de l’espace malgré les efforts des autorités locales. “Le maire Charles Toko et le chef d’arrondissement sont venus donner le feu vert pour l’ouverture, mais rien n’a changé. Je pense que la population elle-même refuse de s’y rendre à cause de cette superstition,” explique-t-il.
Une controverse sur l’appropriation du terrain
Joseph Balogoun, un sage du quartier, offre une autre perspective. D’après lui, les obstacles à l’animation du marché seraient liés à une tentative passée de privatisation du terrain. Il raconte que certaines personnes avaient installé des bornes de délimitation comme s’il s’agissait d’un domaine privé, ce qui a exacerbé les tensions et semé le doute parmi les habitants. “Nous avons dû enlever les bornes nous-mêmes. C’est à partir de là que les rumeurs ont commencé, suggérant que le marché portait malheur,” raconte-t-il.
Un problème de légitimité du terrain ?
Selon Pacôme Assouhoumè, un tradipraticien consulté pour évaluer la situation, la source du problème pourrait être d’ordre spirituel. Il pense que si le terrain du marché a été saisi sans l’accord du propriétaire d’origine, ce dernier pourrait utiliser des moyens traditionnels pour empêcher son occupation. “Si le propriétaire n’a pas pu faire valoir ses droits légalement, il pourrait recourir à d’autres moyens pour se venger, d’autant plus si aucune négociation préalable n’a été menée avec les responsables locaux,” estime Pacôme Assouhoumè.
Une concertation nécessaire pour une revitalisation durable
Pour Joseph Balogoun, seule une concertation impliquant tous les acteurs – autorités, habitants, représentants des associations et propriétaires fonciers – pourra résoudre ce blocage persistant. “Ce n’est plus la peine de se tourner vers la mairie. Il est temps que les habitants se mobilisent pour faire vivre ce marché,” insiste-t-il. Les femmes, de leur côté, se disent prêtes à relancer l’activité si les autorités les soutiennent dans la construction d’infrastructures comme des hangars. “Nous prions les autorités de la mairie de nous aider à installer des hangars ; sans cela, nous n’en serions pas là,” déplore Sébastienne Fanou.
En dépit des divergences d’opinions et des défis persistants, l’animation du marché Okédama reste cruciale pour le développement du quartier et l’amélioration des conditions de vie des habitants. Cependant, la réussite de cette initiative dépendra de la volonté des différents acteurs d’ouvrir un dialogue constructif pour lever les obstacles et redonner vie à cet espace commercial.
Anselme ORICHA