Deux semaines après un cessez-le-feu qui n’a pas tenu, la ville de Soueïda, dans le sud syrien, continue de s’enliser dans la violence. Les affrontements meurtriers entre factions armées druzes, clans bédouins et forces du régime ont forcé près de 173 000 personnes, principalement issues de la communauté bédouine, à fuir vers la province voisine de Deraa. Dans la ville d’Izra, l’école locale a été transformée en refuge de fortune. Matelas à même le sol, enfants traumatisés, familles déchirées : le quotidien de ces déplacés témoigne d’un drame humanitaire profond, que le monde semble regarder de loin.
Parmi ces survivants, Khitam, 18 ans, incarne la cruauté des violences communautaires. Blessée par balles et éclats d’obus, elle a survécu à un massacre dont sa famille a été victime. « Ils m’ont laissée pour morte, ils pensaient que j’allais mourir seule », raconte-t-elle depuis son fauteuil roulant, la voix brisée mais digne. À ses côtés, son père confie son impuissance : leur seul tort, dit-il, « c’est d’être sunnites ». La ville de Soueïda, bastion druze, semble désormais rejeter toute présence étrangère, notamment celle des Bédouins, accusés en bloc, et cela malgré les nuances internes aux deux communautés.
Dans un contexte d’effondrement des conditions humanitaires et de durcissement des lignes communautaires, la Syrie s’enfonce un peu plus dans une logique de purification identitaire, où les civils paient le plus lourd tribut. La voix de Khitam, relayée par la correspondante de RFI, Manon Chapelain, nous rappelle que derrière chaque statistique, il y a des visages, des douleurs et des vies brisées. À Deraa, l’exil devient un refuge précaire, mais aussi le symbole d’une cohabitation désormais fracturée.