Une curieuse immixtion des médias dans une affaire judiciaire dont les acteurs en charge de l’enquête parlent eux mêmes très peu. Ça se passe au Bénin dans l’affaire qu’il convient désormais d’appeler affaire Reckya Madougou. Jeudi 04 mars 2021, 24 heures après l’arrestation sans convocation préalable de l’opposante béninoise Reckya Madougou, Mario Mètonou, quarantenaire, le tout nouveau et fringuant procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, fait une sortie. Bref voire « laconique » pour beaucoup d’observateurs, le texte du procureur spécial tient en quelques paragraphes qui annoncent que celle qui en l’espace de quelques jours a réanimé la vie politique béninoise agonisante, a été interpellée pour des faits qualifiés de terrorisme conformément aux articles 162 et 163 du code pénal.
Depuis cette seule sortie du procureur spécial qui d’ailleurs renseigne très peu sur l’établissement des faits présumés pour lesquels la justice a décidé de placer Reckya Madougou en détention, c’est la presse et les profils de propagande du régime sur les réseaux sociaux qui ont pris le relai du procureur et informent des nouveaux éléments à charge dans une affaire pourtant pendante devant la commission d’instruction de la CRIET.
Résultats d’expertise de messages qu’aurait envoyé la prévenue via l’application de messagerie WhatsApp à un membre du gouvernement en 2018, existence de documents audios versés au dossier, arrestation d’un élément de la police républicaine qui jouerait la taupe sur des actions planifiées par la justice, tout y passe et en chœur chez tous les médias et profils réseaux sociaux dont la ligne éditoriale ne trompe guère sur le choix du combat. « Quand vous voyez le matin un texte sur le profil facebook par exemple de YDY, soyez sûr que tous les autres profils, médias en ligne reprendront dans les minutes d’après le même contenu sans aucun effort de changement d’angle et suivis le lendemain par les journaux à travers les Unes WhatsApp », relève un instructeur-formateur des médias, dépité par « le rôle de police judiciaire que joue la presse dans une affaire en instruction ».
Alors pour tout besoin en information sur les éléments à charge du dossier Reckya Madougou pendant devant la CRIET, abonnez vous aux médias et profils réseaux sociaux qui observent par contre un silence partisan sur les conditions de détention et le droit à la présomption d’innocence de la prévenue.